MAROC - ANNIVERSAIRE
Mohammed VI, la monarchie au carrefour des temps

Mohammed VI est né le 21 août 1963 à Rabat. Il célèbre aujourd'hui ses 62 ans. Cette date place d’emblée son destin au cœur du Maroc contemporain, dans une dynastie qui incarne la continuité monarchique depuis des siècles et dont l’histoire se confond avec celle du pays. Fils du roi Hassan II et de Lalla Latifa Hammou, il grandit dans un univers façonné par la rigueur du pouvoir, l’héritage d’un royaume en transition et l’attente d’une modernité qui ne cessera de se manifester durant son règne.
Son enfance se déroule dans un environnement où l’éducation est pensée comme une préparation à la charge suprême. Il fréquente l’école primaire du palais royal, au sein de laquelle les enfants royaux mais aussi des élèves issus de familles marocaines choisies partagent le même enseignement. Cette volonté d’initier le futur souverain à la réalité de son peuple, même sous une forme limitée, est une marque de la pédagogie voulue par Hassan II. Très tôt, Mohammed VI est décrit comme studieux, réservé, attentif à ses leçons et appliqué dans ses devoirs.
Son adolescence est marquée par une rigueur académique et une formation qui s’ouvre à l’international. Après ses études secondaires, il poursuit un parcours universitaire à l’Université Mohammed V de Rabat où il obtient une licence en droit public. Parallèlement, il s’initie aux questions politiques et économiques qui préoccupent le royaume dans les années 1980, notamment la place du Maroc dans un monde en pleine mutation et l’équilibre difficile entre tradition et modernité.
En 1985, il présente un mémoire sur la coopération entre la Communauté économique européenne et le Maghreb. Ce choix témoigne déjà d’un intérêt marqué pour la diplomatie et pour les liens entre son pays et les ensembles régionaux. Il poursuit sa formation à l’étranger et intègre l’Université de Nice Sophia Antipolis où il prépare un doctorat en droit. Sa thèse, soutenue en 1993, porte sur la coopération entre la Communauté économique européenne et le Maghreb. Ces années françaises sont aussi l’occasion pour lui de s’immerger dans une autre culture, d’élargir son horizon et de préparer son rôle futur.
En parallèle à sa formation, Mohammed VI se voit confier des missions officielles par son père, Hassan II, qui le prépare progressivement à l’exercice du pouvoir. Il participe à des conférences internationales, représente le Maroc dans des événements diplomatiques et s’imprègne des rouages de la politique mondiale. Dans ce contexte, son style se démarque déjà par une certaine modernité, une volonté d’écoute et une image plus accessible que celle de son père.
Le 23 juillet 1999, la mort de Hassan II ouvre une nouvelle ère. Mohammed VI monte sur le trône et devient roi du Maroc. Sa jeunesse relative et son profil de prince ouvert sur l’international nourrissent l’espoir d’un règne modernisateur et réformateur. Dès son intronisation, il se présente comme un roi proche du peuple, soucieux de justice sociale et d’ouverture. Il annonce une série de réformes, notamment en faveur des droits de l’homme, de la libéralisation politique et du développement économique.
Dans ses premières années de règne, il prend des mesures emblématiques. La réforme du code de la famille, la Moudawana, en 2004, marque un tournant majeur. Elle confère davantage de droits aux femmes, notamment dans le mariage et le divorce, tout en respectant l’équilibre avec les traditions islamiques. Cette réforme est largement saluée au niveau international et témoigne d’une volonté de moderniser le droit tout en respectant les valeurs du royaume.
Mohammed VI met également l’accent sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. En 2005, il lance l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), vaste programme visant à réduire les inégalités, améliorer les conditions de vie et favoriser l’intégration économique et sociale des populations les plus vulnérables. Ce projet, qui mobilise des ressources considérables, symbolise la volonté du roi de placer le développement social au cœur de son action.
Sur le plan politique, son règne est marqué par une certaine ouverture mais aussi par des limites réelles. La monarchie conserve une place centrale et prédominante dans le système institutionnel. Le Printemps arabe de 2011 constitue un moment charnière. Face aux manifestations qui éclatent au Maroc, Mohammed VI choisit la voie de la réforme institutionnelle. Il propose une nouvelle constitution qui est adoptée par référendum la même année. Celle-ci renforce les pouvoirs du parlement et du gouvernement, reconnaît davantage de libertés et consolide la place de l’amazigh comme langue officielle. Toutefois, malgré ces avancées, le roi conserve des prérogatives essentielles, notamment en matière de sécurité, de religion et de grandes orientations stratégiques.
Sur le plan économique, Mohammed VI engage le pays dans une modernisation accélérée. De grands projets d’infrastructure voient le jour : autoroutes, ports, lignes ferroviaires à grande vitesse comme le TGV reliant Tanger à Casablanca, et développement de pôles industriels et technologiques. Ces choix visent à placer le Maroc comme une plateforme attractive entre l’Europe et l’Afrique. Le secteur des énergies renouvelables devient également une priorité, avec le développement de centrales solaires et éoliennes qui font du pays un acteur reconnu dans ce domaine.
Sur le plan diplomatique, le règne de Mohammed VI est marqué par une diversification des partenariats. Le Maroc consolide ses liens avec l’Europe, en particulier la France et l’Espagne, mais aussi avec les États-Unis. Le royaume se tourne également vers l’Afrique, multipliant les investissements et les coopérations. Cette stratégie africaine renforce l’influence du Maroc sur le continent. En parallèle, la question du Sahara occidental reste centrale. Mohammed VI maintient une position ferme sur la souveraineté marocaine, tout en défendant le plan d’autonomie proposé par Rabat.
La sphère privée du roi reste plus discrète mais n’est pas absente du regard public. Marié en 2002 à Salma Bennani, devenue princesse Lalla Salma, le couple incarne une image moderne de la monarchie. Ils ont deux enfants, le prince héritier Moulay El Hassan, né en 2003, et la princesse Lalla Khadija, née en 2007. Toutefois, au fil des années, des rumeurs et des informations non confirmées font état d’une séparation du couple royal, alimentant les débats sur la vie privée du souverain.
Avec le temps, Mohammed VI s’impose comme une figure marquante non seulement au Maroc mais aussi sur la scène internationale. Son image évolue entre celle d’un réformateur et celle d’un monarque jaloux de ses prérogatives. Il est régulièrement présenté comme un roi modernisateur, proche de son peuple par ses déplacements, ses gestes de solidarité, mais aussi comme un acteur pragmatique soucieux de maintenir l’équilibre entre ouverture et stabilité.
Les années récentes de son règne voient de nouveaux défis apparaître. Le Maroc fait face à des tensions sociales, à des mouvements de protestation, notamment dans le Rif et dans d’autres régions, qui expriment les frustrations liées au chômage, aux inégalités et aux attentes démocratiques. La réponse du pouvoir alterne entre concessions limitées et fermeté sécuritaire. Ces événements rappellent que la modernisation économique ne résout pas automatiquement les questions sociales et politiques.
En parallèle, Mohammed VI poursuit une diplomatie active. Le rapprochement avec Israël, officialisé en 2020 dans le cadre des accords dits d’Abraham, illustre une nouvelle orientation géopolitique. Ce choix, qui suscite débats et critiques, témoigne d’une volonté de s’inscrire dans des dynamiques régionales en mutation tout en préservant la position traditionnelle du Maroc sur la question palestinienne.
À l’aube de ses soixante-deux ans, en août 2025, Mohammed VI est un souverain dont le règne s’inscrit désormais dans la durée. Plus d’un quart de siècle sur le trône a transformé le Maroc, en profondeur et en surface. Le pays a connu une modernisation notable, une ouverture internationale accrue et des réformes institutionnelles réelles, même si souvent jugées incomplètes. L’équilibre entre tradition et modernité, stabilité et changement, demeure la ligne de crête sur laquelle il évolue.
Son fils, le prince héritier Moulay El Hassan, désormais adulte, est préparé à la succession, dans une dynastie qui continue de lier le destin de la monarchie à celui du royaume. Le règne de Mohammed VI apparaît ainsi comme un moment charnière dans l’histoire marocaine : celui d’une ouverture maîtrisée, d’une transformation économique soutenue, mais aussi celui d’une permanence monarchique qui demeure au centre du jeu politique.
Le bilan de Mohammed VI est contrasté mais significatif. Il a su maintenir la stabilité d’un pays exposé aux turbulences régionales, il a inscrit le Maroc dans les circuits économiques et diplomatiques mondiaux, il a engagé des réformes sociales et institutionnelles. Mais il reste confronté aux défis de la démocratisation, de l’égalité sociale et de la gouvernance. Ce règne illustre la complexité d’une monarchie qui veut conjuguer modernité et tradition, ouverture et contrôle.
En ce 21 août 2025, date anniversaire de sa naissance, Mohammed VI incarne encore cette dualité. Souverain modernisateur et garant d’une continuité séculaire, il reste au centre de l’histoire marocaine en cours, à la croisée des chemins entre le passé, le présent et l’avenir.