ARGENTINE - PARLEMENTAIRES DU 26 OCTOBRE

Jour de vérité pour Milei

Ce qui se joue le 26 octobre : comprendre le calendrier électoral et les enjeux institutionnels

Les élections législatives et sénatoriales argentines du 26 octobre 2025 marqueront un rendez-vous déterminant pour la démocratie de ce pays. Selon les calendriers officiels relayés par les médias nationaux, les citoyens habilités à voter devront se présenter aux urnes ce dimanche-là pour renouveler un tiers du Sénat (24 sièges) et la moitié de la Chambre des députés (127 sièges). Ce renouvellement partiel découle de la Constitution : les députés sont élus pour quatre ans et les sénateurs pour six, avec un renouvellement par tiers tous les deux ans. Alors que le quatrième dimanche d'octobre convoquera tout le corps électoral à des bandes nationales, plusieurs provinces ont choisi de dédoubler leurs scrutateurs locaux ; les électeurs de Corrientes se sont déjà prononcés le 31 août pour élire gouverneur et parlementaires provinciaux, et ceux de la province de Buenos Aires ont désigné le 7 septembre leurs députés et sénateurs provinciaux. Ce découpage répond à la volonté d'éviter des élections interminables et d'introduire une nouvelle modalité de vote.

La réforme la plus emblématique de ce cycle est l'introduction de la Boleta Única de Papel (BUP). Pour la première fois dans des élections nationales, les électeurs présentent une seule grande feuille qui regroupe toutes les listes et catégories. Chaque électeur marquera d'une croix le parti de son choix pour chaque catégorie de poste. Les médias insistent sur la simplicité et la transparence de cette modalité : elle évite les énormes liaisons de bulletins par parti, réduit les manipulations et garantit que chaque citoyen peut choisir librement sans dépendre de la logistique d'un appareil partisan. La loi adoptée en 2024 impose d'imprimer sur chaque bulletin la photo et les noms des premiers candidats au Sénat et les cinq premiers candidats à la Chambre, afin de faciliter l'identification. Le président de la table remettra la BUP et un stylo au votant, qui devra ensuite pincer la feuille et la déposer dans l'urne.

L’application de la BUP implique d’importants changements logistiques et juridiques. Des accords détaillés fixent le calendrier électoral : le 7 août 2025 était la date limite pour la reconnaissance des alliances, le 17 août celle de l’enregistrement des candidats et le 27 août marquait le début officiel de la campagne. La campagne médiatique a débuté le 21 septembre et la publication des lieux de vote est intervenue le 1er octobre. La veda électorale – interdiction de propagande – a commencé le 24 octobre. Le scrutin général aura lieu le 26 octobre, l’ouverture du dépouillement définitif le 28 octobre et la justification d’absence devra être déposée avant le 25 décembre.

Le système de répartition des sièges demeure inchangé pour la Chambre des députés : il s’agit du système proportionnel d’Hondt. Ce mécanisme favorise les formations ayant un minimum de 3 % des voix dans chaque province ; les listes sont ensuite divisées par 1, 2, 3, etc., et les sièges sont attribués selon les plus grands quotients. Les voix blanches sont comptées parmi les suffrages valides et augmentent donc la barre d’entrée pour les petits partis, tandis que les votes nuls sont exclus du calcul. Chaque province dispose d’un nombre de députés proportionnel à sa population : Buenos Aires élit 35 députés, la capitale fédérale 13, Córdoba et Santa Fe 9, etc. Pour le Sénat, chaque province et la Ville autonome de Buenos Aires élisent trois sénateurs : deux pour la première force et un pour la première minorité.

Ces élections se dérouleront sans primaires : le Sénat a suspendu les Primarias Abiertas Simultáneas y Obligatorias (PASO) pour 2025. Ce choix a été justifié par l’économie de coûts et le calendrier serré. Les observateurs notent qu’il favorise les grands partis en place, qui ont pu sélectionner leurs candidats en interne sans passer par une compétition ouverte. En outre, dix juridictions ont maintenu des élections provinciales distinctes ; en mai et juin, Salta, Jujuy, Chaco, San Luis, la capitale fédérale, Misiones, Santa Fe et Formosa ont déjà élu leurs représentants locaux. Le résultat des élections provinciales de Corrientes et de la province de Buenos Aires sert de baromètre : les candidats soutenus par l’alliance gouvernementale provinciale y ont conservé une avance confortable, mais la participation a été faible, ce qui préoccupe les stratèges nationaux.

Dans ce contexte, la participation des électeurs est un enjeu central. Le vote est obligatoire pour les citoyens âgés de 18 ans ou plus, facultatif pour les jeunes de 16 et 17 ans et pour les plus de 70 ans. Les médias soulignent que l’absentéisme pourrait atteindre des niveaux record, en partie à cause du désenchantement et de la crise économique. Les personnes absentes sans justification doivent payer une amende, et celles qui n’ont pas un justificatif risquent d’être inscrites sur un registre de pénalités. La diffusion des premiers résultats devrait suivre le schéma numérique et satellitaire adopté lors des dernières élections ; la Chambre nationale électorale a promis un décompte plus rapide et plus transparent.

Ainsi, bien plus qu’un simple rendez-vous électoral de mi-mandat, le 26 octobre 2025 combinera innovations techniques, ajustements institutionnels et enjeux politiques majeurs.

 

Forces en présence : cartographie des coalitions et des candidats

À mesure que la date des élections approche, le panorama politique argentin révèle un champ fragmenté où dominent trois grandes coalitions et une constellation de listes provinciales. L’alliance libertarienne La Libertad Avanza (LLA), au pouvoir depuis l’élection présidentielle de 2023, aborde ces législatives avec l’objectif de consolider sa base parlementaire. Son rapprochement avec le PRO – l’ancienne formation de droite de Mauricio Macri – a permis de constituer des listes communes dans plusieurs provinces. À Buenos Aires, après la démission de José Luis Espert mise en cause dans un scandale de narcotrafic, la liste de députés sera menée par Diego Santilli, figure du PRO, suivi de Karen Reichardt. À la capitale fédérale, la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich se présente comme tête de liste au Sénat, accompagnée de l’économiste Agustín Monteverde, tandis qu’Alejandro Fargosi dirige la liste de députés. Dans les provinces, LLA mise sur des personnalités locales : Agustín Pellegrini en Santa Fe, Gonzalo Roca en Córdoba, Diego Hartfield en Misiones et Virginia Gallardo à Corrientes. Cette stratégie traduit la volonté d’occuper le territoire, quitte à agréger des figures régionales issues d’autres courants.

Le péronisme, qui se présente sous le label Fuerza Patria, a réussi à sceller une union entre ses diverses factions. Dans la province de Buenos Aires, la liste de députés est menée par Jorge Taiana, suivi de Vanesa Siley, Sergio Palazzo, Teresa García et Horacio Pietragalla. À la capitale, Itai Hagman conduit la liste des députés, entouré de Kelly Olmos, Santiago Roberto et Lucía Cámpora, tandis que Mariano Recalde cherche à renouveler son mandat de sénateur. Dans Santa Fe, Caren Tepp et Agustín Rossi mènent la liste ; en Salta, Juan Manuel Urtubey vise le Sénat ; en Chaco, Jorge Capitanich conduit la liste sénatoriale. Cette coalition s’appuie sur son réseau militant et son implantation territoriale pour contrer l’ascension libertarienne.

Un troisième pôle réunit les gouverneurs centristes de Provincias Unidas et l’espace Ciudadanos Unidos, proche de l’Union civique radicale et du parti socialiste. Mené par Juan Schiaretti et soutenu par Maximiliano Pullaro, Carlos Sadir, Ignacio Torres, Martín Llaryora et Claudio Vidal, ce front vise à incarner une troisième voie. À Buenos Aires, Florencio Randazzo, Margarita Stolbizer et Emilio Monzó forment la tête de liste. Dans la capitale, Martín Lousteau dirige celle des députés, tandis que Graciela Ocaña est candidate au Sénat. Ce pôle prône un « Congrès de consensus » et dénonce le radicalisme du gouvernement autant que la dépendance économique du pays.

À gauche, le Frente de Izquierda Unidad présente Mercedes de Mendieta et Myriam Bregman à Buenos Aires, Nicolás Del Caño dans la province, et Manuela Castañeira pour le Nuevo MAS dans treize provinces. D’autres listes dissidentes tentent d’occuper un espace péroniste modéré, comme Unión Federal du maire Fernando Gray ou le projet porté par Ricardo Alfonsín.

Enfin, certains partis jouent seuls. Le PRO, affaibli par son rapprochement avec les libertariens, ne présente de listes propres qu’à Córdoba, Río Negro et Santa Cruz. Des forces provinciales revendiquent leur autonomie face aux coalitions nationales.

Les candidatures s’inscrivent dans un climat de méfiance et de scandales. Le retrait de José Luis Espert après un narco-scandale a fragilisé LLA ; l’affaire de la cryptomonnaie LIBRA et les enquêtes sur l’Agence nationale du handicap ont entamé la crédibilité du gouvernement. Les péronistes restent critiqués pour la corruption héritée des années Kirchner. Les gouverneurs centristes cherchent à tirer profit de l’usure des deux grands blocs. La bataille du 26 octobre se jouera autant sur la mobilisation des électeurs que sur la capacité des partis à incarner un renouveau crédible.

Sondages, abstention et humeur sociale : un pays divisé

À quelques jours du scrutin, les enquêtes d’opinion révèlent une polarisation extrême et une fatigue sociale profonde. Les instituts indiquent un duel serré entre La Libertad Avanza et Fuerza Patria. Certaines enquêtes donnent le péronisme légèrement en tête, d’autres placent les libertariens devant de quelques points. La capitale fédérale penche vers le parti de Milei tandis que la province de Buenos Aires reste majoritairement péroniste.

Le mécontentement économique domine. La hausse des prix, la dévaluation du peso et la baisse du pouvoir d’achat sont au cœur des préoccupations. Les réformes de dérégulation ont créé des licenciements massifs et une contraction de la consommation. Les débats télévisés sont devenus des arènes où s’affrontent les visions opposées d’un État social et du libéralisme radical.

Les analystes prévoient une hausse de l’abstention, notamment chez les jeunes. Le désenchantement politique gagne du terrain et beaucoup de citoyens n’identifient plus de représentants crédibles. Une part croissante des électeurs envisage le vote blanc comme moyen de protestation. Les instituts évaluent l’image de Javier Milei autour de 40 % de satisfaction, en forte baisse par rapport à 2024. Les leaders historiques du péronisme conservent des niveaux de rejet supérieurs à 60 %. Ce contexte confirme une crise de représentation où aucune force ne parvient à s’imposer durablement.

Sur le plan social, les indicateurs sont alarmants : plus de la moitié des ménages déclarent ne pas atteindre la fin du mois et près de 60 % estiment que leur situation se détériorera l’année prochaine. La méfiance envers toutes les institutions atteint un niveau record. Les sondages montrent que la majorité des Argentins prévoient une défaite du pouvoir en place et que plus d’un quart considère qu’une telle issue pourrait entraîner la démission du président.

L’opinion publique semble donc osciller entre résignation et colère. La Libertad Avanza conserve un noyau dur mais souffre de la baisse de popularité de Milei et des affaires liées à ses proches. Fuerza Patria espère capitaliser sur l’usure du pouvoir en place. Les forces centristes tentent d’apparaître comme un refuge modéré, tandis que les formations de gauche misent sur le vote protestataire. Le résultat dépendra de la capacité à mobiliser un électorat lassé et sceptique.

 

Déclarations, scandales et colère populaire : chroniques d’une campagne enfiévrée

Au-delà des chiffres, la campagne pour les élections législatives de 2025 a été marquée par des prises de position tranchées et des scandales retentissants. Patricia Bullrich, ministre de la Sécurité et candidate au Sénat, a adopté un ton offensif en déclarant que les électeurs devaient donner à Javier Milei une « seconde opportunité » pour achever ses réformes. Elle a appelé à renforcer les majorités parlementaires et à rompre avec « la caste politique ». Elle a promis de maintenir la fermeté sécuritaire et affirmé que son élection permettrait de poursuivre le programme de réorganisation de l’État.

En face, Jorge Taiana a dénoncé l’« autoritarisme » du gouvernement et sa soumission aux intérêts étrangers. Il a critiqué la rencontre de Milei avec Donald Trump, estimant qu’elle symbolisait la perte de souveraineté nationale. Dans ses meetings à Moreno et dans les provinces ouvrières, il a appelé à « freiner Milei » et à redonner au travail et à la solidarité leur place dans le projet national. Les manifestants ont fait entendre leur colère face à la hausse des prix et à la baisse des pensions, dans une ambiance de plus en plus électrique.

Martín Lousteau, figure centriste, a quant à lui déclaré que l'Argentin devait retrouver une voie de dialogue et de gouvernabilité. Il a fustigé la dépendance au FMI et appelé à un Congrès fort capable de dire non aux mesures mal préparées. Son discours vise un électorat modéré désireux de stabilité et de réformes raisonnées.

Les scandales se multiplient : démission d'Espert après un narco-scandale, affaire de la cryptomonnaie LIBRA, soupçons de corruption dans les agences publiques. L'opposition a déclaré une tentative du gouvernement de transformer le vote en plébiscite. De leur côté, les partisans péronistes ont utilisé la musique et les rassemblements pour mobiliser les quartiers populaires et exprimer leur rejet du pouvoir.

À la veille du examen, l'Argentin apparaît plus fracturé que jamais. Les déclarations incendiaires de Bullrich, les mises en garde de Taiana et les appels au calme de Lousteau résument un pays épuisé mais encore combatif. Les scandales et la crise économique ont sapé la confiance, mais le scrutin du 26 octobre représente pour beaucoup une ultime chance de redéfinir le cap politique du pays.