CONGO - ANNNIVERSAIRE

Denis Sassou Nguesso, l’empreinte et la durée

Denis Sassou Nguesso est né le 23 novembre 1943 à Edou, dans le district d’Oyo, une terre de la Cuvette au nord du Congo, village isolé entre savanes et forêts, au cœur d’un pays encore sous administration coloniale française. Il célèbre aujourd'hui ses 82 ans.

Issu d’une famille nombreuse, son enfance est marquée par les rites, les traditions et l’apprentissage du respect des anciens, fondements d’une identité collective forgée dans le creuset de la ruralité congolaise. Ce début de vie, loin des capitales et des stratèges, inscrit Sassou Nguesso dans le temps long de la société et de la mémoire, où chacun appartient au lignage et à la terre autant qu’à l’histoire nationale à venir.

Élève appliqué, il rejoint l’école primaire d’Édou puis celle d’Owando (alors Fort-Rousset), puis admis en 1956 au collège normal de Dolisie (Mbounda), pépinière de cadres pour toute l’Afrique équatoriale française. La formation pédagogique y constitue un outil d’émancipation : Sassou Nguesso devient instituteur, transmet des savoirs, acquiert le goût de l’autorité et du collectif. Mais l’histoire s’accélère, la vague des indépendances s’apprête à déferler, et la jeunesse congolaise bascule dans la politique et la fronde.

Au milieu des années 1960, Sassou Nguesso s’engage dans l’armée naissante et gravite autour du cercle des officiers progressistes, conduits par Marien Ngouabi, qui prend le pouvoir en août 1968. Avec la création du Parti congolais du travail (PCT), il s’affirme comme acteurs essentiels d’une révolution teintée de socialisme et de panafricanisme, cherchant à tourner le dos au modèle colonial sans rompre avec l’encadrement étatique. Sassou Nguesso est nommé ministre de la Défense en 1975, puis chef d’État en 1979 à la mort de Ngouabi. À la tête du pays, il met en œuvre des politiques de nationalisation, consolide le secteur pétrolier et développe l’appareil d’État, tout en consolidant son clan dans l’équilibre délicat des pouvoirs régionaux et ethniques.

Les années 1980 consacrent le règne d’un pragmatisme politique, notamment sous la pression des institutions de Bretton Woods pour moderniser et ouvrir l’économie aux ajustements structurels. Sassou Nguesso navigue entre réformes imposées, gel des recrutements dans la fonction publique, restructurations de la dette et tentative de préserver les acquis sociaux. À côté du Code civil, il promeut un Code de la famille adapté aux multiples usages coutumiers, tentant de concilier tradition et modernité.

Sur le plan régional, il incarne l’unité africaine : président de l’Organisation de l’Unité Africaine en 1986, il lance le Fonds Africa et organise le premier symposium international des écrivains africains contre l’apartheid à Brazzaville. Dans cette période rythmée par la guerre froide, il desserre les liens du Congo avec le bloc soviétique et pose les premiers pas vers une ouverture diplomatique, toujours soucieux de préserver l’autonomie nationale.

En 1991, la poussée démocratique contraint Sassou Nguesso à accepter la conférence nationale souveraine, ouvrant la voie au multipartisme. Il assume la période de transition, puis quitte le pouvoir à l’issue d’élections libres en 1992, illustrant une capacité rare d’adaptation, mais aussi le début d’une alternance pleine d’incertitudes. L’expérience républicaine est de courte durée : après la guerre civile de 1997, dans un contexte de violences et de recomposition politique, Sassou Nguesso est réinstallé à la tête du pays, lançant un Forum national pour la réconciliation et la reconstruction.

Son retour consolide le système présidentiel autoritaire, mais vise aussi à moderniser l’État : constitution de 2002, municipalisation accélérée, chantiers de grandes infrastructures, volonté d’intégration régionale. La paix, la jeunesse et le développement agricole deviennent les priorités publiques, même si la réalité oscille entre progrès affichés et stagnation sociale. Il met en avant le projet de Nouvelle Espérance : relance de l’économie, diversification hors pétrole, accès à l’eau et à l’électricité, lutte contre la pauvreté.

Président en exercice de l’Union Africaine en 2003, Sassou Nguesso milite pour la doctrine de la Sécurité et Paix africaine, à travers le Pacte de non-agression et de défense commune, jouant les médiateurs dans les crises régionales (Guinée-Bissau, Centrafrique). Reconduit plusieurs fois à la présidence, il cumule au total plus de quarante ans au pouvoir, une rare longévité sur la scène mondiale.

Sa vie personnelle reflète les complexités du pouvoir africain : marié à Antoinette Tchibota, il est père de plus de vingt-cinq enfants, dont plusieurs issus de liaisons hors mariage, et grand-père d’Omar Denis Junior Bongo, confirmant la prégnance des réseaux familiaux dans les équilibres politiques. Les accusations de corruption, de biens mal acquis et de népotisme accompagnent le parcours du chef d’État, tout comme la gestion clanique du pays et la répartition des postes entre fidèles.

Sassou Nguesso a reçu diverses distinctions, notamment la médaille Almicar Cabral en 2017 pour son implication dans la résolution de la crise bissau-guinéenne, et s’impose comme un acteur central de la diplomatie continentale, souvent controversé, toujours présent.

Son dernier mandat, acquis avec 88 % des voix en 2021, s’ouvre sur de nouveaux défis : chômage des jeunes, exode rural, diversification de l’économie face à la dépendance pétrolière et la quête de financements auprès du FMI. À bientôt quatre-vingts ans, Sassou Nguesso incarne la figure du dirigeant forgé dans le temps long, affrontant sans cesse les oscillations de l’histoire nationale et les mutations du monde.

Sa trajectoire, du rural à l’institutionnel, du pédagogie à la présidence, témoigne du destin singulier d’un pays, où la continuité du pouvoir s’entremêle à la quête de transformations, reflet du Congo-Brazzaville moderne, entre mémoires contrariées et ambitions jamais éteintes.