USA - NECROLOGIE
Allen Olson, le droit et la terre

Son enfance se déroule dans la ferme familiale près de Sarles, un environnement austère et exigeant où la terre commande aux hommes, forgeant chez le futur homme d'État une compréhension intime des réalités agraires qui ne le quittera jamais, même lorsqu'il arpentera les couloirs du pouvoir à Bismarck ou les chancelleries internationales.
L'itinéraire d'Allen Olson est d'abord celui d'une formation intellectuelle classique et solide, typique de ces élites républicaines du Midwest qui croient en la vertu de l'instruction publique. Il fréquente l'Université du Dakota du Nord, où il obtient ses diplômes de premier cycle avant de poursuivre, avec une logique implacable, vers l'école de droit de la même institution. C'est là, dans l'étude des textes et de la jurisprudence, qu'il acquiert cette rigueur juridique qui deviendra la marque de fabrique de son action politique. Mais l'horizon de ce jeune juriste ne se limite pas aux plaines du Dakota. L'appel du service le conduit sous les drapeaux, intégrant le corps des juges-avocats généraux de l'armée américaine.
Son affectation à Munich, en Allemagne de l'Ouest, constitue une étape décisive dans sa maturation politique. En servant comme chef de la justice militaire dans une Europe encore divisée par le rideau de fer, Olson est confronté aux réalités géopolitiques de la Guerre froide et à la complexité des relations internationales. Cette expérience européenne lui offre une perspective que peu de ses contemporains locaux possèdent : celle d'un monde où le droit doit parfois s'imposer par la force de l'institution pour garantir la liberté. Lorsqu'il rentre au pays en 1967, il n'est plus seulement un avocat du terroir, mais un homme riche d'une expérience administrative et humaine qui le prédispose aux affaires publiques. Son retour dans le Dakota du Nord coïncide avec une période de transformation pour l'État. En intégrant le Comité de recherche législatif, qui deviendra plus tard le Conseil législatif, il dirige la première étude majeure de l'État sur l'exploitation minière à ciel ouvert et la remise en état des terres. C'est ici que se dessine l'un des fils rouges de sa carrière : la tension permanente entre le développement économique nécessaire et la préservation de l'environnement naturel. Olson comprend, avant beaucoup d'autres au sein de sa famille politique, que la gestion des ressources naturelles ne peut être laissée à la seule main invisible du marché, mais nécessite un cadre réglementaire strict.
L'année 1969 le voit entrer dans la pratique privée au sein d'un cabinet renommé de Bismarck, mais la chose publique l'a déjà happé. En 1972, il se lance dans l'arène électorale et conquiert le poste de procureur général du Dakota du Nord. Il y sera reconduit en 1976, signe d'une adhésion populaire à sa vision de l'ordre et de la justice. Durant ces deux mandats, il incarne une figure d'autorité moderne, veillant à l'application de la loi tout en modernisant les structures judiciaires de l'État. Cette période de huit ans lui permet de tisser un réseau dense et de consolider sa légitimité au sein du Parti républicain, préparant le terrain pour l'étape suivante, celle de l'exécutif suprême.
L'élection de 1980 constitue un moment charnière, non seulement pour Olson mais pour l'histoire politique américaine. Alors que Ronald Reagan s'apprête à redéfinir le conservatisme à l'échelle nationale, Allen Olson remporte le gouvernorat en battant le sortant démocrate Arthur A. Link. Cette victoire s'inscrit dans un mouvement de bascule, une alternance qui voit le Dakota du Nord réaffirmer son ancrage républicain dans un contexte national de renouveau libéral. Investi en janvier 1981, Olson devient le vingt-huitième gouverneur de l'État, portant sur ses épaules les espoirs d'une prospérité économique liée au boom pétrolier naissant.
Pourtant, l'exercice du pouvoir se révèle être une épreuve de force. Son mandat unique est marqué par des défis d'une complexité rare, où le juriste qu'il est doit constamment composer avec les réalités budgétaires et humaines. L'affaire la plus emblématique de cette période reste sans doute le procès intenté par l'Association pour les citoyens retardés. Ce conflit juridique, qui place l'État face à ses responsabilités constitutionnelles envers les personnes handicapées, force une refonte complète du système de soins institutionnels. Olson, contraint par les décisions de la cour fédérale, doit superviser la désinstitutionnalisation de l'école d'État de Grafton et de l'hôpital de San Haven. Si la crise est douloureuse et coûteuse pour l'État, elle marque aussi un tournant humaniste indispensable, faisant passer le Dakota du Nord d'une logique de garde à une logique de soins et d'intégration.
Sur le plan administratif, Olson imprime sa marque par la création du Département des services sociaux, une structure destinée à rationaliser l'aide publique et à mieux répondre aux besoins d'une population vieillissante et rurale. Il ne néglige pas pour autant l'aménagement du territoire, soutenant le projet de dérivation de Garrison pour l'approvisionnement en eau, un sujet vital dans ces régions semi-arides. Son action en faveur de l'environnement se concrétise également par l'acquisition du Cross Ranch, transformé en parc d'État grâce à un partenariat innovant avec le secteur privé, illustrant sa conviction qu'une collaboration entre l'initiative individuelle et la puissance publique est possible et souhaitable.
La politique est cependant faite de cycles et de revirements. En 1984, alors qu'il brigue un second mandat, les vents ont tourné. Les difficultés économiques, couplées à l'usure du pouvoir et aux controverses liées aux réformes institutionnelles, pèsent lourd. Il est battu par le démocrate George Sinner, une défaite qui illustre la vitalité démocratique de l'État et la capacité du corps électoral à sanctionner ses dirigeants. Olson accepte ce verdict avec la dignité des hommes d'État qui savent que la fonction dépasse l'individu. Il quitte le capitole de Bismarck, mais ne se retire pas pour autant de la vie active. La période qui s'ouvre après 1985 est celle d'une reconversion réussie dans le secteur privé. Olson retourne d'abord à la pratique du droit à Bismarck, puis élargit son horizon vers le Minnesota voisin. Il rejoint un grand cabinet d'avocats à Minneapolis, avant de devenir copropriétaire d'une entreprise de moulage sous pression, démontrant une capacité d'adaptation remarquable. Son engagement se poursuit également dans le secteur bancaire, où il prend la direction de l'association des banquiers communautaires indépendants du Minnesota. Durant ces années, il reste un observateur attentif de la vie publique, un notable respecté dont l'avis compte, incarnant cette figure du "citoyen-législateur" cher à la tradition américaine, capable de naviguer entre le monde des affaires et celui de la loi. Le service public le rappelle cependant au tournant du millénaire. En 2002, le président George W. Bush le nomme commissaire de la Commission mixte internationale. Cette nomination est la reconnaissance de son expertise juridique et de sa connaissance des enjeux frontaliers. Au sein de cet organisme binational chargé de prévenir et de résoudre les différends liés aux eaux limitrophes entre les États-Unis et le Canada, Olson retrouve les thématiques de sa jeunesse : la gestion de l'eau, l'environnement et la diplomatie. Il y œuvre pendant plusieurs années, apportant sa pondération et sa rigueur à la gestion de dossiers techniques mais politiquement sensibles, comme les crues de la rivière Rouge ou la qualité des eaux des Grands Lacs.
Sa vie privée fut celle d'un homme ancré dans des valeurs traditionnelles, partageant son existence avec son épouse Barbara Benner, avec qui il éleva trois enfants. Cette stabilité familiale fut le socle sur lequel il bâtit sa carrière publique, un refuge indispensable face aux tempêtes de la vie politique. Il traversa les décennies en conservant cette allure de gentleman du Midwest, courtois mais ferme, attaché aux principes du droit et à la parole donnée. Allen Olson s'est éteint le 26 décembre 2025 à l'âge de 87 ans au lendemain de ce qui aurait été un Noël de plus dans une vie bien remplie. Sa disparition marque la fin d'une époque pour le Dakota du Nord, celle d'une génération de dirigeants qui ont connu la transition entre l'Amérique agraire d'avant-guerre et la modernité technocratique de la fin du vingtième siècle. Il laisse derrière lui l'image d'un homme qui, confronté à l'épreuve du pouvoir, a cherché à concilier l'impératif de la loi avec les nécessités de l'action, acceptant les arbitrages parfois cruels de la politique avec une conscience aiguë de ses devoirs.
L'histoire retiendra de lui non pas tant les victoires électorales ou les défaites, qui ne sont que l'écume des jours, mais la constance d'un engagement. Il fut un acteur clé de la modernisation administrative de son État, un juriste qui comprit que le droit n'est pas une abstraction mais un outil de régulation sociale, et un gouverneur qui, dans la tourmente des années quatre-vingt, tint la barre avec une rigueur intellectuelle jamais prise en défaut. Sa trajectoire illustre parfaitement ce que la science politique observe sur le temps long : l'importance des hommes de loi dans la construction de l'État moderne et la persistance, au cœur de l'Amérique, d'une tradition républicaine qui mêle conservatisme fiscal, responsabilité individuelle et souci du bien commun. Avec lui s'efface une certaine idée de la politique, faite de gravité et de service, qui aura marqué de son empreinte les plaines du Nord.