SYRIE - LEGISLATIVES DU 4 OCTOBRE

Une transition électorale : vers un Conseil du peuple transitoire en Syrie

Un cadre légal inédit : la nouvelle loi électorale syrienne

La préparation de l’élection du Conseil du peuple transitoire, prévue au début d’octobre 2025, repose sur une législation électorale radicalement nouvelle élaborée pour la transition politique. Cette architecture juridique, issue d’un décret temporaire et de décisions complémentaires, vise à rompre avec les pratiques du passé, à garantir une représentation équitable et à assurer la transparence. Elle définit les circonscriptions, le nombre de sièges, les conditions d’éligibilité et la composition des organes chargés d’organiser le vote et de proclamer les résultats.

Chaque région administrative constitue une circonscription, parfois en regroupant des zones rurales pour rééquilibrer la démographie. Le nombre de sièges est calculé à partir du recensement de 2011, dernière base statistique reconnue. Les sous?commissions, composées d’un nombre impair de membres, établissent des listes d’électeurs au moins cinquante fois supérieures au nombre de sièges à pourvoir. Ces listes doivent comprendre soixante?dix pour cent de candidats issus des rangs des compétences et trente pour cent de notables. Pour corriger les inégalités, la loi impose un quota d’au moins vingt pour cent de femmes et trois pour cent de personnes en situation de handicap ou blessées pendant la révolution. Cette démarche inclut également les déplacés internes, la diaspora fidèle à sa région et les familles de martyrs.

La diversité confessionnelle et ethnique doit être respectée sans privilégier une religion ou un groupe. Pour la première fois, seules les personnes inscrites sur les listes finales de leur circonscription peuvent se présenter. L’objectif est d’empêcher la domination des anciens caciques et de favoriser l’émergence de nouvelles figures. Après la publication des listes préliminaires, les aspirants disposent de deux jours pour contester l’exclusion ou l’inclusion d’un nom devant une commission d’appel composée de magistrats, qui statue en moins de cinq jours. Les citoyens peuvent également dénoncer les candidats liés à l’ancien régime ou ne répondant pas aux critères.

Une fois les décisions rendues, les listes définitives sont publiées, et les candidatures sont déposées dans un délai limité. Les prétendants doivent fournir une pièce d’identité, la preuve de résidence depuis 2006, un diplôme universitaire pour les compétences ou un certificat d’études secondaires pour les notables, un curriculum vitae détaillé et signer un engagement à respecter la loi électorale. La campagne électorale est étroitement encadrée. Elle dure sept jours, suivis d’une journée de silence. Les candidats doivent présenter des programmes sérieux, éviter les promesses irréalistes et s’abstenir d’incitation sectaire. L’usage des ressources publiques est interdit, tout comme l’achat de voix. Les autorités insistent sur la nécessité de promouvoir l’unité nationale et d’offrir un espace où les idées s’affrontent sans haine.

Le jour du vote commence à neuf heures et dure trois heures, éventuellement prolongées si la participation le justifie. Seuls les membres des organes électoraux désignés peuvent voter, l’élection étant indirecte. Chaque électeur dépose son bulletin, et le dépouillement a lieu immédiatement sous supervision. Les résultats préliminaires sont annoncés publiquement. Toute irrégularité peut être contestée. Les résultats définitifs sont ensuite transmis au chef de l’État, qui nomme un tiers des membres pour assurer la représentation de certaines catégories jugées essentielles à la cohésion nationale.

La séance inaugurale du Conseil est présidée par le doyen des élus, qui supervise l’élection du président et du bureau par vote secret. Cette étape marque l’entrée en fonction d’une institution conçue pour jouer un rôle central dans la transition, rédiger une constitution et préparer des lois fondamentales. En redéfinissant les règles, en imposant des quotas et en garantissant la transparence, la loi électorale cherche à offrir un cadre solide pour un processus démocratique naissant, tout en tenant compte des réalités sociales et politiques du pays en reconstruction. Un autre volet crucial de cette législation concerne la formation et la compétence des sous?commissions. Ces dernières reçoivent une formation spécifique sur la gestion des élections, les mécanismes de règlement des litiges et les principes de transparence. Elles travaillent en collaboration avec des organisations de la société civile, des associations de juristes et des observateurs indépendants pour veiller à ce que les bureaux de vote soient accessibles, que les bulletins soient sécurisés et que les électeurs puissent exprimer leur choix sans pression. La loi prévoit aussi des ateliers et des sessions de sensibilisation destinés aux électeurs pour expliquer le processus et encourager une participation inclusive. Enfin.

 

Candidatures et sélection : rigueur et transparence

Le choix des membres du Conseil du peuple transitoire passe par un processus concret de sélection des candidats qui doit refléter la diversité syrienne et répondre aux aspirations d’un pays en reconstruction. L’appel à candidatures est encadré par un calendrier précis. Une fois les listes définitives d’électeurs publiées par les sous?commissions, la commission supérieure ouvre une courte fenêtre, parfois de deux jours, pour recevoir les dossiers. Les formulaires sont déposés dans les centres administratifs des districts. Chaque prétendant doit fournir une pièce d’identité, un document prouvant sa résidence continue dans sa circonscription depuis 2006, un diplôme universitaire pour les candidats de la catégorie des compétences ou un certificat d’études secondaires pour les notables, ainsi qu’un curriculum vitae décrivant son parcours professionnel et son engagement public.

Cette étape n’est pas un simple formalisme. Les autorités exigent des documents précis afin de garantir l’authenticité et d’assurer que les prétendants connaissent les réalités locales. Les dossiers incomplets ou comportant des informations inexactes sont rejetés. En outre, les candidats signent une déclaration sur l’honneur affirmant qu’ils n’ont pas été impliqués dans des violations graves et qu’ils n’ont pas participé aux structures répressives de l’ancien régime. Des comités spéciaux et des associations civiques vérifient ces affirmations en se basant sur les témoignages et les archives disponibles.

Le processus prévoit ensuite une phase de recours. Après la clôture du dépôt, les sous?commissions publient des listes provisoires de candidats. Tout citoyen ou organisation peut contester une candidature durant un court délai. Les motifs vont de la suspicion d’allégeance au régime déchu à un manque de représentativité d’un groupe ou d’une localité. Des commissions d’appel, composées de juges et de juristes indépendants, examinent les plaintes et statuent dans un délai fixé. Elles peuvent confirmer ou rejeter des candidatures. Ce mécanisme a pour but d’éviter l’infiltration d’anciens notables et de corriger les déséquilibres afin d’offrir un terrain équitable aux nouveaux acteurs.

Une fois les listes définitives arrêtées, la campagne électorale peut commencer. Toutefois, les autorités ont adopté un code de conduite strict. Ce texte rappelle que les candidats doivent respecter la législation électorale, s’abstenir de toute action sapant la légitimité du scrutin et accepter les décisions de la commission supérieure. Les candidats ne doivent pas utiliser les ressources publiques ni se livrer à l’achat de voix. Ils doivent présenter des programmes réalistes, s’abstenir de discours sectaires ou haineux et adopter un langage respectueux envers leurs adversaires. Le code interdit explicitement l’exploitation de la religion à des fins politiques, l’incitation au clivage communautaire, les fausses promesses et les attaques personnelles. Les dépenses de campagne doivent être déclarées, et le financement doit provenir de sources légales. Les sanctions en cas de violation vont de l’avertissement public à la disqualification.

La société civile joue un rôle moteur dans le déroulement de cette étape. Des associations de juristes, des comités de surveillance et des ONG locales ont signé des protocoles d’entente avec la commission supérieure. Elles organisent des sessions de formation pour les membres des sous?commissions, élaborent des guides sur la résolution des litiges électoraux, sensibilisent les électeurs à leurs droits et encouragent la participation des femmes et des jeunes. Elles surveillent également les réseaux sociaux pour détecter d’éventuelles campagnes de propagande orchestrées par des nostalgiques de l’ancien régime. La coopération avec ces organisations contribue à créer un climat de confiance et à renforcer le caractère participatif du processus.

Les médias syriens diffusent des programmes dédiés où les candidats exposent leurs projets et débattent. Certains prônent la numérisation des services publics, la lutte contre la corruption, la modernisation des infrastructures ou l’amélioration du système éducatif. D’autres insistent sur la protection des droits des femmes, des minorités et des personnes déplacées. Ces thèmes témoignent de la pluralité des attentes sociales. La commission rappelle toutefois que les promesses doivent être réalistes et que les élus seront tenus responsables par leurs électeurs.

Ainsi, le processus de dépôt et de sélection des candidatures vise à asseoir la légitimité de la future assemblée. En imposant des critères, en permettant aux citoyens de contester, en instaurant un code de conduite, et en s’appuyant sur la société civile et les médias, les autorités tentent d’instaurer un climat de confiance et de préparer le terrain pour une représentation démocratique et inclusive.

 

Programmes et campagnes : des idées pour un avenir meilleur

Au?delà des mécanismes juridiques, la campagne électorale du Conseil du peuple transitoire se caractérise par une effervescence d’idées et une volonté d’aborder l’avenir. Durant sept jours, les candidats doivent convaincre les membres des corps électoraux tout en respectant des règles strictes. La loi interdit les discours sectaires, la propagande fondée sur la haine et l’utilisation de ressources publiques. Un jour de silence est imposé pour permettre aux électeurs de réfléchir.

Afin de préparer cette campagne, des ateliers ont été organisés dans plusieurs villes. Des experts y enseignent comment structurer un programme, identifier les priorités de la communauté et communiquer de manière efficace. Les participants apprennent à éviter les promesses irréalisables et à fonder leur discours sur les besoins réels des habitants. Cette formation encourage l’écoute des électeurs et la construction de projets consensuels.

La numérisation des services publics est un thème central. De nombreux candidats proposent d’utiliser la technologie pour améliorer l’efficacité de l’administration, réduire la corruption et simplifier les démarches. Ils évoquent des plateformes en ligne pour les documents, la transparence budgétaire et des applications permettant de signaler les problèmes locaux. Cette orientation témoigne d’une volonté de rattraper le retard technologique et d’adopter des outils modernes pour la gouvernance.

Les questions sociales occupent également une place majeure. La protection des droits des femmes et des minorités revient souvent. Plusieurs candidates souhaitent renforcer la participation féminine et adopter des lois garantissant l’égalité salariale et la lutte contre les violences. Des représentants des communautés kurde, assyrienne et druze demandent des politiques favorisant la diversité culturelle. D’autres candidats se concentrent sur les déplacés et les réfugiés, proposant des programmes de réintégration et de logement.

La reconstruction économique est un autre pilier. Les candidats parlent de reconstruire les infrastructures, d’attirer des investissements et de relancer l’agriculture. Certains proposent des programmes de formation professionnelle pour les jeunes, des incitations fiscales pour les entreprises et des partenariats avec des organisations internationales. Bien que les projets varient, tous reconnaissent que la relance économique est indispensable à la stabilisation et à la réconciliation.

Les médias et les plateformes numériques jouent un rôle crucial dans la diffusion de ces idées. Des débats sont organisés à la radio et à la télévision, et les réseaux sociaux servent de tribune interactive. Les candidats partagent des vidéos, des infographies et des sessions de questions en direct pour toucher un public divers. La loi encadre cette communication : les sondages non approuvés et les bots sont interdits, et les dépenses de campagne sont plafonnées. Dans les régions où l’internet est limité, des réunions publiques et des visites de terrain complètent la communication virtuelle.

La commission électorale, en collaboration avec la société civile, organise par ailleurs des sessions de formation pour les organes chargés du scrutin. Des guides pratiques sont distribués, et des simulations sont réalisées pour que les membres des sous?commissions maîtrisent les procédures et les règles d’éthique. Ces initiatives visent à assurer le bon déroulement de la campagne, à renforcer la confiance des électeurs et à réduire les tensions.

Malgré la brièveté de la campagne, l’engagement des candidats et l’intérêt du public reflètent une soif de participation. La diversité des thèmes abordés et des propositions présentées témoigne d’une société qui tente de se réinventer. Les restrictions et l’encadrement montrent la volonté des autorités de préserver l’équité. En offrant aux électeurs des programmes variés et en créant des espaces de débat, la campagne invite les Syriens à participer à un dialogue sur l’avenir de leur pays, misant sur l’innovation, la justice sociale et la reconstruction.

Un exemple concret de cette effervescence est la manière dont certaines listes organisent des ateliers ouverts au public. Les candidats y expliquent les étapes de leur programme, discutent des budgets nécessaires et invitent les citoyens à proposer des amendements. Ces rencontres se déroulent dans des salles de sport, des centres culturels ou même des cafés, créant une atmosphère d’échange informel. Les participants peuvent y poser des questions, exprimer leurs préoccupations et contribuer à la formulation des priorités. Les candidats, en retour, promettent d’intégrer ces suggestions dans leurs plans et de publier des comptes rendus détaillés sur leurs pages officielles. Ce dialogue est considéré comme un moyen d’encourager la responsabilité et de rapprocher les représentants de leurs mandants.

 

Une élection historique : défis et espoirs de la transition

L’enjeu des élections du Conseil du peuple transitoire dépasse la simple sélection de représentants. Pour de nombreux Syriens, ce scrutin marque un tournant historique, la première tentative de reconstruire des institutions légitimes après des années de guerre et de dictature. Les autorités promettent une assemblée qui reflétera toutes les composantes du pays, y compris les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et les familles de martyrs. Cette volonté d’inclusion conditionne l’adhésion de la population.

La participation des femmes est l’un des éléments marquants. Grâce aux quotas imposés lors de la composition des corps électoraux, la représentation féminine atteint des niveaux inédits. Dans des provinces comme Damas et Homs, plus du tiers des candidats sont des femmes. Cette émergence s’explique par la prise de conscience du rôle central des femmes dans la reconstruction. Plusieurs d’entre elles se coordonnent pour défendre des causes communes, comme la création de centres pour victimes de violences et la promotion des droits sociaux des mères célibataires.

Outre les femmes, cette élection suscite un fort engouement chez les jeunes. Des diplômés en informatique, en ingénierie et en sciences sociales se présentent avec des programmes axés sur l’innovation et la gouvernance participative. Ils proposent d’utiliser des plateformes numériques pour gérer les services publics et évaluer les élus. Cette présence de jeunes candidats est interprétée comme un signe de rupture avec des assemblées jadis dominées par des notables âgés.

Malgré cet enthousiasme, le processus rencontre des défis. La situation sécuritaire reste fragile dans certaines régions. Les autorités ont annoncé que le scrutin ne se tiendrait pas dans les provinces de Raqqa, Hassaké et Soueïda, en raison de l’instabilité. Les sièges correspondants resteront vacants jusqu’à ce que les conditions permettent un vote. Par ailleurs, des appels ont été déposés contre des candidats soupçonnés de liens avec l’ancien régime. Ces dossiers sont examinés par des commissions d’appel, mais la suspicion d’infiltration persiste et pourrait affecter la crédibilité de la future assemblée si elle n’est pas dissipée.

Un autre défi concerne la transition d’une culture de confrontation à une culture de gouvernance institutionnelle. Des personnalités de la société civile insistent sur la nécessité de passer de la « pensée révolte » à la « pensée État ». L’assemblée transitoire devra rédiger une constitution, adopter des lois sur la justice, la sécurité et l’économie, et engager des réformes administratives. Cette mutation exige du dialogue et une capacité de compromis, rarement exercés après des années de polarisation. Les élus devront concilier les revendications populaires avec la gestion pragmatique des affaires publiques.

La diaspora syrienne suit de près ce processus. Bien que la majorité des exilés ne puissent pas voter, certains sont inclus dans les corps électoraux en raison de leur lien avec leur région. Des organisations de la diaspora envoient des observateurs pour s’assurer du bon déroulement et espèrent participer au renouveau du pays.

Les discussions sur le rôle futur de l’assemblée montrent que beaucoup la voient comme une passerelle vers des institutions durables. Les analystes estiment qu’elle devra initier une véritable réforme du système judiciaire, garantir l’indépendance des juges et adapter les lois aux exigences d’un État moderne. Elle aura également pour mission de proposer un cadre pour les élections locales et municipales, afin de renforcer la décentralisation et l’autonomie des collectivités. Pour y parvenir, les élus devront travailler étroitement avec les gouvernorats, les conseils locaux et les organisations de base, en adoptant une méthode inclusive qui privilégie l’écoute et le consensus. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais pour de nombreux Syriens, cette première étape reste la plus importante car elle ouvre enfin un horizon de réconciliation et de reconstruction durable.

Enfin, la composition du Conseil n’est qu’une étape. Après l’annonce des résultats, le chef de l’État désignera un tiers des membres pour garantir une représentation équilibrée et combler les sièges vacants. La première séance élira le président du Conseil et pourrait décider de changer son nom pour rompre avec les connotations négatives du passé. Les débats à venir porteront sur la révision des lois électorales et la consolidation d’un climat de confiance. Quelle que soit l’issue, ce scrutin constitue un jalon majeur d’un processus de transition fragile mais porteur d’espoir, qui pourrait ouvrir la voie à une Syrie plus inclusive.