SLOVAQUIE - ANNIVERSAIRE

Robert Fico, un survivant au coeur de la Slovaquie

Robert Fico nait le 15 septembre 1964 a Topolcany, une petite ville de Slovaquie, alors partie integrante de la Tchecoslovaquie socialiste. Il célèbre aujourd'hui son 61ème anniversaire.

Dans ce pays marque par le poids du bloc sovietique, l’enfance de Robert s’inscrit dans un univers ou la politique structure le quotidien et ou l’ascension sociale passe souvent par les etudes, la discipline et la loyaute au systeme. Ses parents, issus de la classe moyenne, accordent une grande importance a l’education et a la rigueur, valeurs qu’il gardera toute sa vie.

Etudiant brillant, Robert Fico s’oriente vers le droit, discipline qui attire les jeunes ambitieux d’Europe de l’Est a cette epoque. Il integre l’Universite Comenius de Bratislava, ou il se specialise en droit penal. L’universite, foyer intellectuel majeur de Slovaquie, joue alors un role central dans la formation d’une nouvelle elite appelee a gerer les transitions futures. Fico y developpe un gout marque pour l’argumentation juridique et pour l’etude des mecanismes de pouvoir.

A la fin de ses etudes, il entame une carriere de juriste et rejoint en 1987 l’Institut d’Etat et de droit de l’Academie slovaque des sciences. Son parcours professionnel debute donc dans un environnement ou le savoir et la recherche sont lies aux imperatifs ideologiques du regime communiste. Mais deja se profile une mutation : le vent de la perestroika, la contestation montante, l’ouverture qui, en 1989, renversent les regimes communistes d’Europe centrale et orientale. Fico, jeune juriste, vit ces bouleversements comme une opportunite de s’inserer dans un paysage politique en recomposition.

En 1992, il entre en politique en rejoignant le Parti de la gauche democratique (SDL), heritier de l’ancien Parti communiste slovaque mais engage dans la voie sociale-democrate. Depute au Conseil national a partir de 1992, il s’impose vite comme un parlementaire travailleur, au style direct et tranche. Son expertise juridique lui permet de s’affirmer dans les debats. Au milieu des annees 1990, il represente la Slovaquie a la Cour europeenne des droits de l’homme a Strasbourg, experience qui lui conferre une stature internationale et lui permet de se familiariser avec les institutions europeennes.

Cependant, le SDL s’affaiblit dans les annees 1990, mine par les divisions internes et la difficulte a se demarquer. En 1999, Fico choisit de fonder son propre parti, le SMER, qu’il definit comme un mouvement social-democrate moderne, capable de rassembler au-dela de la gauche traditionnelle. Le pari est audacieux, mais il repond a une attente dans une Slovaquie traversee par les reformes liberales, les inegalites et la perte de reperes.

Des les elections de 2002, SMER s’impose comme une force montante. Robert Fico, charismatique et habile communicateur, seduit une partie de la population inquiete des effets de la transition economique. Sa rhetorique, parfois populiste, mele defense des plus modestes et critique des elites politiques et economiques. En 2006, son parti remporte les elections legislatives et il devient Premier ministre. Pour la premiere fois, Fico accede au sommet du pouvoir executif slovaque.

Son premier mandat est marque par un melange de pragmatisme economique et de discours social. Il forme une coalition controversée avec le Parti national slovaque (SNS), nationaliste, et le Mouvement pour une Slovaquie democratique (HZDS), heritier de l’ancien Premier ministre autoritaire Vladimir Meciar. Cette alliance nourrit des critiques, mais elle refleche la volonte de Fico de gouverner coute que coute. Sous son gouvernement, la Slovaquie connait une croissance economique solide, favorisee par les investissements etrangers et par l’appartenance a l’Union europeenne.

En 2010, il perd les elections, son parti restant toutefois le premier en nombre de voix. L’opposition de centre-droit prend le pouvoir, mais la coalition s’avere instable. En 2012, des elections anticipees ramenent Fico a la tete du gouvernement, cette fois avec une majorite absolue inedite pour son parti. Ce second mandat lui permet de mettre en oeuvre une politique plus affirme : hausse de l’impot pour les plus riches, renforcement du role de l’Etat dans certains secteurs, mais aussi continuite dans l’integration europeenne.

L’image de Fico, cependant, evolue. Son style autoritaire, sa proximite avec certains milieux d’affaires et les accusations de corruption ternissent sa reputation. Dans le meme temps, il adopte un discours plus conservateur sur les questions de societe, s’opposant notamment a l’accueil massif de migrants pendant la crise de 2015 et tenant des propos hostiles a l’islam. Cette inflexion nourrit sa popularite aupres d’une partie de l’opinion mais l’isole au sein de la social-democratie europeenne.

En 2014, il tente une percee presidentielle, mais echoue face a Andrej Kiska, un candidat independant. Ce revers revele les limites de son influence. Malgre tout, il reste le personnage central de la vie politique slovaque.

En 2016, il conserve le poste de Premier ministre mais a la tete d’une coalition affaiblie. Sa position se fragilise a mesure que les scandales s’accumulent. Le tournant intervient en 2018, lorsque l’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancee secoue la Slovaquie. L’enquete met en lumiere des liens entre la politique, les affaires et la criminalite organisee. Des manifestations massives reclament la demission du gouvernement. Robert Fico, accuse d’incarner un systeme corrompu, est contraint de quitter le poste de Premier ministre en mars 2018. Son depart marque un affaiblissement sans precedent de son pouvoir.

Malgre tout, il reste actif a la tete de son parti. Dans les annees suivantes, il se radicalise davantage, multipliant les attaques contre les journalistes, les ONG et les institutions europeennes. Il adopte un discours de plus en plus souverainiste et proche de la Hongrie de Viktor Orban. En 2020, les elections legislatives voient la victoire du parti OLaNO d’Igor Matovic, porte par une vague anti-corruption. Fico et son parti reculent fortement.

Mais Robert Fico n’est pas un homme a se retirer. Entre 2020 et 2023, il reconstruit patiemment son influence. Profitant des divisions du camp reformateur et des crises multiples, il repositionne son parti SMER comme la principale force d’opposition. Son discours se durcit encore : critique de l’OTAN, scepticisme sur le soutien militaire a l’Ukraine apres l’invasion russe de 2022, mise en avant d’un nationalisme social teinte de conservatisme. Cette orientation seduit une partie de l’electorat slovaque inquiet de la guerre et de ses consequences economiques.

En septembre 2023, Fico realise un retour spectaculaire : son parti arrive en tete des elections legislatives. Apres des negociations, il redevient Premier ministre en octobre 2023, pour un quatrieme mandat. Ce retour, juge improbable quelques annees plus tot, confirme sa resilience politique et sa capacite a incarner les frustrations d’une partie de la population.

Son gouvernement, forme avec le SNS et le HLAS, adopte des positions marquees : limitation du soutien militaire a l’Ukraine, accent mis sur les aides sociales, attaques contre certaines institutions judiciaires et mediatiques. Sa ligne politique reflete un melange de pragmatisme social et de souverainisme assume. Ses relations avec Bruxelles deviennent tendues, notamment sur les questions d’Etat de droit.

En mai 2024, un evenement dramatique bouleverse sa carriere : Robert Fico est victime d’une tentative d’assassinat a Handlova, lors d’une rencontre avec des citoyens. Grievement blesse, il survit apres plusieurs operations. Cet attentat choque profondement la Slovaquie et l’Europe. Il devient une figure de resilience, mais aussi un symbole de la polarisation extreme de la societe slovaque. Pendant sa convalescence, son gouvernement continue de fonctionner, mais son absence pese sur la vie politique. Lorsqu’il reprend ses activites en 2025, il se presente comme un survivant et comme un dirigeant injustement attaque.

En septembre 2025, Robert Fico est encore Premier ministre de Slovaquie. A 61 ans, il incarne une longevite politique rare dans la region. Sa carriere temoigne de la transformation de la Slovaquie, de la transition post-communiste a l’integration europeenne, puis aux tensions actuelles entre souverainisme et mondialisation. Homme controverse, il suscite l’admiration de ses partisans qui voient en lui un defenseur du peuple, et le rejet de ses adversaires qui denoncent ses derives autoritaires et son eloignement des valeurs europeennes.

Sa trajectoire reste marquee par une volonte inebranlable de conquerir et de garder le pouvoir, au prix d’alliances et de discours changeants. Fico a su capter les inquietudes sociales et identitaires d’un pays souvent ecartele entre l’Est et l’Ouest, entre ouverture et repli. Sa vie politique, encore en cours en 2025, est celle d’un survivant qui continue de peser sur l’histoire de la Slovaquie moderne.