BASILICATE - ANNIVERSAIRE

Vito Bardi, un général au service de la région

Vito Bardi naît le 18 septembre 1951 à Potenza, au cœur de la Basilicate, une région italienne encore largement rurale et marquée par l’émigration. Son enfance s’inscrit dans un contexte de reconstruction économique lente, où les familles cherchent à concilier traditions agraires et ouverture vers un monde en mutation. Le jeune Vito grandit dans un environnement familial modeste, mais fortement imprégné des valeurs d’effort, de discipline et de respect des institutions. La Basilicate, longtemps considérée comme une terre périphérique du Mezzogiorno, nourrit en lui une conscience aiguë des déséquilibres régionaux et de la nécessité d’une modernisation profonde.

Adolescent sérieux et appliqué, il choisit d’emprunter la voie des études supérieures en économie et en droit, guidé par l’idée que la connaissance est un levier d’émancipation. Ses années universitaires coïncident avec l’Italie des années 1970, agitée par les tensions sociales et les violences politiques. Plutôt que de se laisser happer par ces divisions, il privilégie un parcours institutionnel. Il intègre la Guardia di Finanza, corps chargé du contrôle économique et financier, qui combine discipline militaire et expertise économique. Ce choix marque une orientation décisive : la carrière d’un homme partagé entre rigueur, service de l’État et compréhension des dynamiques financières.

Son ascension dans la Guardia di Finanza est régulière et constante. Officier apprécié pour son sérieux et sa loyauté, il gravit les échelons et acquiert une expérience nationale et internationale. En 2009, il atteint le rang de général de corps d’armée, le plus élevé dans sa carrière militaire. Cette nomination témoigne d’une reconnaissance institutionnelle rare pour un fils de la Basilicate. Ses responsabilités l’amènent à travailler sur des dossiers complexes touchant à la criminalité organisée, à l’évasion fiscale et à la protection des finances publiques. Sa réputation d’homme intègre et compétent s’affirme dans un pays où la lutte contre la corruption reste un enjeu majeur.

Parallèlement à sa carrière, Bardi construit une vie familiale discrète, fidèle à ses origines et à un mode de vie simple. Ses attaches avec la Basilicate ne se distendent jamais malgré ses responsabilités à Rome ou dans d’autres régions. Dans ses retours réguliers, il garde un contact direct avec la réalité de sa terre natale, ses fragilités structurelles, ses départs massifs de jeunes vers le Nord ou l’étranger. Cette fidélité géographique et affective constituera plus tard l’une des clés de sa légitimité politique.

À la fin de sa carrière militaire, il entre progressivement en politique. Sa notoriété et son image d’homme indépendant attirent l’attention des partis du centre-droit, en quête de personnalités crédibles capables d’incarner une alternative dans des régions marquées par une longue domination du centre-gauche. En 2019, à l’âge de 67 ans, il est investi comme candidat présidentiel de la coalition de centre-droit en Basilicate, avec le soutien de Forza Italia, de la Ligue et de Fratelli d’Italia. Ce choix surprend par le profil de Bardi, sans expérience électorale directe, mais séduit par sa stature institutionnelle.

La campagne électorale se déroule dans un climat particulier. La Basilicate, région enclavée, pauvre en infrastructures et dépendante des rentes pétrolières de la vallée de l’Agri, exprime une lassitude à l’égard de la gestion passée. Bardi, avec son ton mesuré et son accent sur la transparence, promet un renouveau basé sur l’efficacité et l’intégrité. Le 24 mars 2019, il remporte l’élection régionale avec près de 42 % des voix, devenant ainsi le premier président de la Basilicate issu du centre-droit depuis la création des conseils régionaux. Cet événement marque un tournant historique pour une région longtemps associée à la tradition démocrate-chrétienne puis au centre-gauche.

À la présidence de la région, Bardi doit affronter les réalités complexes d’un territoire où les attentes sociales sont immenses. Les enjeux portent sur l’emploi, l’avenir des jeunes, la gestion des ressources énergétiques, la santé et le développement d’infrastructures. Sa méthode reste fidèle à son passé militaire : rigueur, hiérarchie, attention aux règles. Mais la politique régionale exige aussi une capacité d’écoute et de compromis. Ses premières années de mandat sont marquées par la pandémie de Covid-19. Comme partout en Italie, la crise sanitaire bouleverse les priorités. Bardi doit gérer la fragilité d’un système hospitalier local, coordonner avec Rome et répondre aux inquiétudes économiques des habitants. Sa gestion, prudente mais jugée parfois lente, lui attire critiques et soutiens partagés.

Au fil des années, Bardi tente de mettre en valeur les atouts de la Basilicate. Il encourage le développement du tourisme, appuyé sur l’image de Matera, capitale européenne de la culture en 2019, et sur les paysages intacts des montagnes lucaniennes. Il défend une meilleure utilisation des redevances pétrolières, sujet sensible car souvent perçu comme une manne mal redistribuée. Il insiste sur l’importance de retenir les jeunes diplômés, trop nombreux à quitter la région. Sa vision reste marquée par une volonté de modernisation, mais il se heurte à la lenteur bureaucratique et à l’enracinement des inégalités.

En 2024, après un mandat marqué par des crises mais aussi par quelques résultats tangibles dans le domaine du tourisme et de l’innovation locale, il brigue un second mandat. Sa candidature s’inscrit dans un paysage politique italien transformé par la montée en puissance de Fratelli d’Italia au niveau national et par la recomposition du centre-droit. Bardi conserve une image d’homme sérieux, mais son âge – 73 ans – interroge sur la capacité à incarner l’avenir. Malgré cela, il bénéficie du soutien de la coalition et parvient à conserver la présidence régionale. Son second mandat s’ouvre dans un climat d’attentes renouvelées, entre désir de continuité et besoin d’innovation.

Alors qu’il fête aujourd'hui ses 74 ans, Vito Bardi demeure une figure singulière dans le panorama politique italien. Ancien général devenu président de région, il symbolise l’entrée de profils institutionnels dans la sphère politique locale. Sa trajectoire reflète aussi l’évolution d’une Basilicate en quête de reconnaissance nationale, oscillant entre ses fragilités structurelles et son désir de modernisation. Il incarne l’image d’un homme de devoir, davantage technicien que tribun, mais dont la légitimité repose sur une vie entière consacrée au service de l’État.

Son parcours interroge sur la capacité des régions du Sud à se réinventer. En plaçant un ancien militaire à leur tête, les électeurs lucani ont exprimé une demande d’ordre, de rigueur et de crédibilité. Mais cette attente se heurte à des contraintes économiques et sociales persistantes. L’avenir de Bardi et de son héritage politique dépendra de sa faculté à transformer la confiance initiale en résultats durables, dans un contexte où la Basilicate demeure l’une des régions les plus fragiles d’Italie. Sa biographie témoigne de la rencontre entre une destinée individuelle marquée par la discipline et une terre qui, depuis toujours, oscille entre isolement et ouverture.