SEYCHELLES - ELECTIONS DU 27 SEPTEMBRE

La démocratie insulaire en pleine effervescence

Calendrier électoral et logistique : vers un scrutin accessible

Les Seychelles entrent dans une période charnière. L’édition 2025 de l’élection présidentielle et législative, prévue du 25 au 27 septembre avec une journée principale de vote le samedi 27, marque un tournant dans l’organisation des scrutins dans cet archipel. Lors d’une conférence de presse en juillet, la Commission électorale des Seychelles (ECS) a confirmé ces dates et annoncé un processus modernisé visant à assurer un déroulement fluide, transparent et inclusif. La présidente de l’ECS, Wendy Didon, entourée de ses collègues commissaires et des cadres administratifs, a insisté sur la mise en place d’une inscription numérique des électeurs destinée à renforcer la participation et la sécurité du vote. La nomination des candidats se tiendra le 12 août 2025 pour la présidentielle et le 14 août 2025 pour les législatives, des dates provisoires qui seront confirmées au Journal officiel. Pour les aspirants à la magistrature suprême ou à la députation, il faudra être citoyen seychellois âgé d’au moins 18 ans et inscrit sur les listes électorales.

Cette modernisation se traduit par des innovations sociales. Pour la première fois, des interprètes en langue des signes accompagnent les conférences de presse et les spots télévisés afin de permettre à la communauté sourde de suivre l’actualité politique. Anita Gardner, présidente de l’Association des personnes malentendantes (Aphi), se félicite de voir neuf interprètes qualifiés mobilisés pour que l’information parvienne à tous les citoyens. L’inclusion se manifeste également dans la constitution du Registre des électeurs 2025. En avril 2025, l’ECS a certifié ce registre lors d’une cérémonie publique à laquelle participaient représentants des partis et journalistes. Le Chef du service d’enregistrement a remis le document au directeur général avant que ce dernier ne le transmette aux partis, réaffirmant la recherche d’équité. Cette certification, opérée chaque 31 mars conformément à la loi, rappelle l’importance accordée à la transparence et l’équité.

La logistique électorale a été repensée pour tenir compte de la géographie éclatée du pays. Le vote se déroulera sur trois jours afin de permettre aux électeurs des îles extérieures de s’exprimer sans perturber les activités essentielles, notamment dans les secteurs de la santé, de la sécurité et du transport maritime. L’ECS a détaillé la séquence : les îles éloignées ouvriront le scrutin plus tôt, suivies de Mahé, Praslin et La Digue le 27 septembre. Les bureaux « spéciaux » – hôpitaux, institutions pénitentiaires, personnels mobilisés – disposeront de créneaux dédiés. La commission a aussi confirmé la présence d’observateurs nationaux et internationaux et la mise en place d’un centre de traitement des résultats afin d’accélérer la consolidation des procès-verbaux et leur publication publique.

Les modalités pratiques ont été clarifiées : carte d’identité en cours de validité, listes affichées dans chaque district, assistance pour les personnes en situation de handicap, dispositifs de contrôle des files et de l’ordre public à proximité des bureaux. L’ECS encourage les citoyens à vérifier leur inscription et à s’informer des procédures de vote. La campagne d’éducation civique insiste sur le secret du scrutin et le rôle des observateurs. Alors que les Seychellois s’habituent aux services en ligne, la commission a lancé l’initiative « SeyID » pour sécuriser l’identité des électeurs. L’archipel doit concilier éloignement géographique et accessibilité des bureaux de vote. Le transport des urnes et des électeurs sur les îles extérieures représente un défi logistique, d’où la décision de répartir le vote sur plusieurs jours. L’ECS veut démontrer qu’une petite démocratie insulaire peut allier innovation, inclusion et rigueur. Ce calendrier et ces dispositions logistiques constituent la toile de fond d’un scrutin qui s’annonce déjà historique. La vigilance citoyenne sera cruciale pour un scrutin apaisé.

 

Acteurs et ambitions : le casting de l’élection

Si la préparation du scrutin a fait l’objet d’un investissement sans précédent, la compétition elle-même promet d’être intense. Wavel Ramkalawan, président sortant et pasteur anglican, briguera un second mandat sous la bannière LDS. Son annonce de candidature en août 2025 a été saluée par ses partisans, le chef de l’État soulignant qu’il souhaite poursuivre son projet d’un Seychelles plus inclusif et durable. Ramkalawan rappelle qu’il a fait tomber en 2020 le parti au pouvoir depuis plus de 40 ans et se présente comme le garant de la stabilité. Selon les règles électorales, un président est élu à la majorité absolue pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ; s’il ne l’obtient pas, un second tour départagera les deux premiers candidats.

Face à lui, United Seychelles – ancienne formation au pouvoir – tente un retour. Le parti a investi Patrick Herminie, ancien président de l’Assemblée nationale et médecin, qui propose une alternance reposant sur une expérience institutionnelle. En juin 2025, la formation a désigné Sebastien Pillay, parlementaire expérimenté et ex-chef de l’opposition, comme colistier pour la vice?présidence. L’annonce, au 38? congrès du parti, a été présentée comme le symbole d’une équipe aguerrie prête à reprendre les rênes du pays. Les partisans voient en Pillay un orateur combatif et un homme loyal capable de mobiliser les bases. Si cette paire saura séduire un électorat lassé par la domination historique de United Seychelles reste incertain.

Troisième force en présence, la Seychelles United Movement (SUM) porte la candidature de Maarco Francis, figure du monde des affaires et ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie. Dans un long entretien accordé à la presse locale, Francis explique que sa démarche est motivée par la volonté de rompre avec les luttes idéologiques et d’opter pour un leadership pragmatique orienté vers les résultats. Son slogan « Réforme, prospérité et unité » s’appuie sur un programme détaillé : investissements dans l’énergie solaire et le numérique, gratuité de la garde d’enfants, réforme des entreprises publiques, modernisation de la formation professionnelle et amélioration des infrastructures de pêche. Francis insiste sur la nécessité de sortir d’une « politique de l’entre-soi » pour rassembler au?delà des clivages : « Ce mouvement n’est ni de gauche ni de droite, il est tourné vers l’avenir ». Il mise sur la transparence et sur un style de campagne axé sur les rencontres de terrain et les plateformes numériques, espérant attirer les électeurs déçus par la politique traditionnelle.

Un paysage fragmenté se dessine avec d’autres candidats. Alain St Ange, ancien ministre du Tourisme, représente Lalyans Nouvo Sesel, formation qui revendique un patriotisme économique et la diversification de l’économie bleue ; son parti a dénoncé la répartition des agents de vote sur les îles extérieures par la commission électorale. Plusieurs indépendants, comme Kisna Louise, Ralph Volcère et Charles de Clarisse, axent leurs programmes sur des thèmes sociétaux. Enfin, Robert Moumou dirige la Seychelles People’s National Movement (SPNM), parti officiellement enregistré le 20 juin 2025 et dont l’ECS a remis le certificat de constitution et le manifeste, confirmant la nomination de Virginia Larue comme secrétaire générale et de Richard Bossy comme trésorier. La reconnaissance de cette formation illustre la vitalité du pluralisme seychellois.

Le nombre de candidatures – huit au total selon les annonces officielles – témoigne d’une offre politique diversifiée. Chaque équipe devra convaincre dans un contexte où le vote est majoritaire et où un second tour reste possible si aucun candidat n’atteint la majorité absolue. Les débats télévisés organisés par la Seychelles Broadcasting Corporation représentent des moments clés : le premier, début septembre, a réuni sept candidats, le président sortant ayant décliné l’invitation. Cette pluralité de profils et de projets confirme que l’élection de 2025 pourrait rebattre les cartes de la vie politique seychelloise. Ces joutes télévisées et cette diversité traduisent l’évolution d’une démocratie où le débat devient désormais la norme.

 

Débats et controverses : tensions d’une campagne

L’effervescence démocratique s’accompagne aussi de tensions et de controverses. À l’approche du scrutin, la question du coût de la vie occupe une place centrale. Les Seychellois subissent une hausse des prix de consommation, conséquence de la dépendance de l’archipel aux importations. Les candidats sont interrogés sur leur capacité à maîtriser l’inflation, à diversifier l’économie et à protéger le pouvoir d’achat. La sécurité alimentaire, la transition énergétique et la distribution équitable des revenus touristiques deviennent des thèmes majeurs de campagne.

Au cœur du débat se trouve aussi la transformation numérique du processus électoral. L’ECS mise sur l’inscription en ligne et un registre actualisé via le système SeyID, mais certains craignent des inégalités d’accès pour les habitants des îles éloignées ou les personnes âgées. L’introduction de la langue des signes dans les communications officielles est saluée comme une avancée majeure pour l’inclusion.

La campagne a également été marquée par l’adoption, en juillet, d’un amendement constitutionnel accordant le droit de vote aux jeunes qui atteignent leur majorité pendant l’année électorale. Le texte, 12? amendement, a été adopté avec une large majorité. Il garantit que tout Seychellois ayant 18 ans l’année du scrutin soit reconnu comme électeur, levant une anomalie qui excluait auparavant ceux dont l’anniversaire intervenait après la date limite d’enregistrement. Les responsables électoraux soulignent que cette mesure renforce l’inclusivité et encourage la participation des jeunes. Les partis se sont empressés de séduire cet électorat, multipliant les rencontres sur les réseaux sociaux et les interventions dans les écoles et universités.

Mais la mesure qui a suscité le plus de remous est la Circulaire n° 5, émise par le ministère des Collectivités locales et des Affaires communautaires. Cette directive interdit aux personnes engagées dans des campagnes politiques d’exercer des activités communautaires ou de participer à des événements subventionnés par l’État. Pour l’archipel, où les réseaux d’entraide et les associations locales jouent un rôle essentiel, la décision est perçue comme une atteinte à la liberté d’association. Le chef du Seychelles United Movement, Maarco Francis, a dénoncé une « guerre ouverte contre la démocratie » ; il accuse le gouvernement d’essayer de « museler l’engagement local » et de pénaliser ceux qui ne soutiennent pas le parti au pouvoir. Il estime que le texte est anticonstitutionnel et discriminatoire, surtout vis?à?vis des jeunes et des bénévoles qui s’impliquent dans les communautés. Plusieurs partis d’opposition, dont United Seychelles et Mouvman Lavwa Seselwa, exigent une révision de la directive et interpellent le médiateur ainsi que des observateurs.

Cette controverse révèle les craintes de certains acteurs politiques face à un appareil d’État considéré comme partisan. Des juristes évoquent déjà des recours devant la Cour constitutionnelle en invoquant la liberté de participation à la vie publique et l’égalité de traitement. La Commission électorale, soucieuse de sa neutralité, rappelle qu’elle supervise les campagnes et veille à garantir un accès équitable aux médias. Elle insiste sur la nécessité pour les parties de respecter le code de conduite électoral et d’éviter la désinformation. Dans ce climat tendu, des initiatives de la société civile encouragent un débat respectueux et axé sur les programmes. Les ONG organisent des forums, tandis que les médias locaux, notamment la Seychelles Broadcasting Corporation, déploient des plateformes pour recueillir les questions du public et organiser des débats thématiques.

Les candidats adoptent des stratégies contrastées. Wavel Ramkalawan mise sur son bilan de réformes et évite les confrontations télévisées ; Patrick Herminie mise sur le contact direct et promet de stabiliser les prix ; Maarco Francis s’appuie sur son image d’entrepreneur et sur un programme axé sur le numérique ; Alain St Ange défend un tourisme durable. Dans un archipel de moins de 100 000 habitants, les rencontres de village et les réseaux familiaux restent décisifs, reflet d’une campagne où aspirations et inquiétudes se mêlent. Ces débats témoignent d’un pays en questionnement sur son avenir démocratique et économique.

 

Enjeux démocratiques : vers un avenir inclusif

Au?delà des candidatures et des polémiques, l’élection de 2025 révèle des enjeux structurels pour la démocratie seychelloise. Dans un archipel dont l’économie repose largement sur le tourisme et la pêche, la diversification économique et la justice sociale et culturelle constituent des thèmes centraux. L’enjeu climatique pèse également : la montée du niveau de la mer et la protection de la biodiversité menacent les infrastructures et la principale source de revenus du pays. Les programmes se rejoignent souvent sur la nécessité d’investir dans l’économie bleue, de développer des énergies renouvelables et de renforcer la résilience face aux aléas climatiques.

La participation citoyenne est un autre défi majeur. Avec l’enregistrement des nouveaux électeurs et l’amendement constitutionnel facilitant le vote des jeunes, les Seychelles cherchent à enrayer la désaffection électorale observée ailleurs. Le pays a connu en 2020 une alternance historique lorsque Wavel Ramkalawan a battu le candidat sortant par une faible marge, preuve que chaque vote compte. Les observateurs régionaux insistent sur la nécessité de préserver un environnement pacifique et de garantir un accès égal aux médias. Ils soulignent que la réussite d’un scrutin ne se mesure pas seulement à l’absence de violence, mais aussi à la transparence du financement des campagnes, à la neutralité des institutions et à la liberté d’expression.

La multiplication des partis et des candidatures, à l’image de l’enregistrement récent de nouveaux mouvements, montre que la société seychelloise est à la recherche d’alternatives. Cette diversité pourrait entraîner un second tour, obligeant les formations à nouer des alliances et à négocier des compromis.

L’un des enjeux cruciaux reste la place des jeunes. L’amendement constitutionnel qui permet aux citoyens atteignant leur 18? anniversaire dans l’année électorale d’exercer leur droit de vote envoie un signal fort de confiance en la jeunesse. Cette réforme devrait concerner plusieurs centaines de nouveaux électeurs et pourrait influencer le résultat si leur participation est importante. Les candidats s’emploient à leur adresser des messages ciblés, évoquant la modernisation de l’enseignement, les opportunités professionnelles dans le numérique et les industries créatives, ainsi que la lutte contre les addictions et la violence domestique. Le numérique joue un rôle clé : campagnes sur les réseaux sociaux, débats en ligne et utilisation d’applications pour sensibiliser au vote.

La question de la gouvernance est également omniprésente. Les Seychellois exigent davantage de transparence, d’efficacité et de responsabilité. Les scandales de corruption des années précédentes ont affaibli la confiance dans les institutions. La réforme des entreprises publiques, portée par certains candidats, et la promesse de renforcer le contrôle parlementaire sont accueillies avec prudence mais montrent que la lutte contre la corruption est désormais un critère électoral incontournable. Le président sortant met en avant ses réformes de la transparence et la modernisation de l’administration, tout en soulignant les améliorations de la notation financière du pays.

Enfin, le scrutin de 2025 est une occasion de réflexion sur l’identité nationale. Les candidats indépendants, notamment Kisna Louise et Charles de Clarisse, appellent à préserver la culture créole et à promouvoir les langues nationales dans l’enseignement, redoutant que la mondialisation et l’afflux de touristes ne diluent les traditions locales. La diaspora, qui soutient l’économie par ses transferts, réclame des mécanismes de vote à distance, un sujet qui pourrait être discuté lors d’une prochaine révision constitutionnelle.

L’élection présidentielle et législative de septembre 2025 n’est pas seulement une compétition de personnalités ; elle représente un test pour la maturité démocratique des Seychelles. Entre l’amélioration de la participation grâce aux innovations de l’ECS, la diversité des offres politiques et les débats sur les droits civiques et la gouvernance, l’archipel montre qu’il est possible pour une petite nation insulaire de s’interroger sur son avenir démocratique tout en restant ouverte au monde. Les résultats du scrutin, qu’ils confirment la continuité ou qu’ils consacrent l’alternance, auront des répercussions sur la région et offriront un exemple de démocratie en action dans l’océan Indien.