ESPAGNE - MURCIE - ANNIVERSAIRE
Fernando López Miras, la durée au pouvoir

Né le 4 octobre 1983 à Lorca, dans la région de Murcie, Fernando López Miras grandit au rythme des déplacements professionnels de ses parents entre Archena, Águilas, Cartagena et Lorca. Il fête aujourd'hui ses 42 ans.
Cette géographie intime, souvent évoquée par lui, façonne un tempérament d’organisateur attaché aux appartenances locales. Élève studieux, il poursuit des études de droit et s’inscrit au barreau de Lorca. Il se forme aussi à la médiation civile et commerciale et complète ce socle par un MBA obtenu à l’ENAE Business School. Avant l’exposition politique, il découvre la gestion en entreprise et dans l’administration régionale. Ce parcours mêle juriste et gestionnaire, goût des textes et souci des chiffres. Il y puise un style sobre et procédural, peu porté au spectaculaire, construit sur l’idée qu’une région se gouverne par des règles claires, la maîtrise des budgets et la négociation.
La santé publique constitue son premier laboratoire de responsabilité. À partir de 2008, il devient directeur de gestion de l’hôpital général universitaire Rafael Méndez, à Lorca, et de l’aire de santé III du Guadalentín, un territoire qui couvre plus de deux cent cinquante mille habitants. Les contraintes de personnel, les marchés publics, l’organisation des gardes et la relation avec les municipalités lui imposent une pratique quotidienne de l’allocation rare. Ces années de terrain laissent une empreinte durable. Elles expliquent sa préférence ultérieure pour les instruments budgétaires et pour les indicateurs de résultat. Elles l’ancrent aussi à Lorca, où l’hôpital apparaît comme un nœud de sociabilité civique et de services. C’est depuis cette base qu’il entre en politique élective, convaincu que la décision se fabrique autant dans les comptes que dans les meetings.
En mai 2011, il est élu député à l’Assemblée régionale de Murcie sur la liste du Parti populaire. Porte-parole d’économie, de finances et de budgets, il participe à la rédaction de textes techniques, dont la loi dite de sustitución forzosa qui facilite la reconstruction accélérée de Lorca après les séismes du 11 mai 2011. En 2014, il quitte son siège pour devenir secrétaire général de la consejería d’économie et des finances, où il met en œuvre le Fonds de liquidité autonome, conduit des mesures de simplification et prépare des décrets fiscaux. Revenu à l’Assemblée en 2015, il accède au bureau comme secrétaire deuxième. Cette trajectoire, de l’hôpital au budget, de l’hémicycle au cabinet, installe un profil de praticien des règles. Au printemps 2017, il est nommé coordinateur général du PP régional, signe d’une confiance croissante de l’appareil dans sa capacité d’arbitrage.
La démission du président Pedro Antonio Sánchez déclenche, en avril 2017, une succession à marche forcée. Les tractations menées avec Ciudadanos ouvrent la voie à une investiture en seconde lecture. Le 29 avril 2017, Fernando López Miras est élu président de la Région de Murcie par les 22 voix du PP et l’abstention de Ciudadanos. Le 3 mai, au Palais de San Esteban, il prête serment et promet stabilité, emploi et baisse d’impôts. À trente-trois ans, il devient le plus jeune président autonome d’Espagne. Le premier cycle de gouvernement s’organise autour de deux priorités, la fiscalité et l’eau, avec une tonalité gestionnaire. Il se perçoit comme un continuateur, tenu par l’obligation de résultats et de prévisibilité, soucieux d’aligner la machine régionale sur des objectifs mesurables.
Sur le volet fiscal, l’exécutif annonce l’élimination de l’impôt sur les successions et donations pour l’essentiel des transmissions intrafamiliales et affine une politique de déductions ciblées. Le message est constant : alléger la charge pour favoriser la consommation et l’investissement. Sur le volet hydraulique, Murcie vit à l’ombre du transfert Tajo Segura. Chaque modification des règles d’exploitation est lue comme une menace pour l’agriculture d’exportation et pour l’emploi. Le président adopte un discours de défense intégrale de la ressource, appelle à un pacte de l’eau et à une coordination interrégionale, et promet des recours lorsque le gouvernement central durcit les volumes réservés en amont. Ce couple fiscalité eau devient la signature de sa première période et structure ses déplacements, ses communiqués et sa relation avec les organisations professionnelles.
Le scrutin régional de 2019 oblige à la coalition. Le Parti populaire gouverne avec Ciudadanos, tandis que Vox, en progression, durcit ses exigences au parlement. Dans le même temps, la crise environnementale du Mar Menor s’impose comme une affaire d’État local. Les épisodes d’anoxie en 2019 puis en 2021 provoquent des mortalités massives de poissons et bouleversent l’opinion. Le gouvernement régional plaide pour une approche intégrée, imputant la responsabilité à plusieurs facteurs, de l’urbanisation aux pratiques agricoles, et renvoie à Madrid la décision de mesures structurantes. En 2022, le législateur national reconnaît une personnalité juridique propre au Mar Menor et à son bassin, innovation qui change l’architecture du contentieux. La région doit concilier cette avancée avec la défense de son modèle agrumicole et horticole, pilier de son PIB et de son emploi.
La séquence 2020 2021, dominée par la pandémie, met à l’épreuve les styles politiques. À Murcie, l’urgence sanitaire impose des arbitrages rapides et expose le pouvoir aux polémiques. En janvier 2021, le conseiller à la santé démissionne à la suite d’une vaccination hors priorités. En mars, une motion de censure conjointe du Parti socialiste et de Ciudadanos tente de renverser le gouvernement régional. Elle échoue, trois députés de Ciudadanos renonçant à la soutenir et entrant dans l’exécutif. L’épisode installe un débat national sur le transfuge et renforce paradoxalement la position du président. Dans les mois qui suivent, l’exécutif poursuit sa ligne de baisse d’impôts et de simplification administrative, tout en gérant les effets différés de la crise sanitaire sur les comptes, la santé mentale et l’activité touristique du littoral.
En septembre 2022, le gouvernement régional annonce une déflation du barème de l’impôt sur le revenu pour compenser l’inflation, mesure présentée comme un amortisseur pour les ménages. Vient ensuite le cycle électoral de 2023. Le 28 mai, le Parti populaire arrive en tête avec vingt et un sièges, Vox en obtient neuf, le Parti socialiste reste minoritaire et la gauche alternative se réduit à deux élus. En juillet, la première séance d’investiture échoue, Vox votant contre pour exiger une entrée au gouvernement. Après des négociations estivales, un accord est trouvé. Le 7 septembre 2023, l’Assemblée réélit Fernando López Miras président grâce aux voix cumulées du PP et de Vox. La coalition forme un cabinet qui se fixe pour priorités la stabilité fiscale, la santé, l’éducation, la politique familiale et la défense du transfert d’eau. La nouvelle majorité dispose de trente sièges sur quarante-cinq.
Cette troisième étape du pouvoir régional s’ouvre sur un contexte fait de contraintes croisées. L’inflation et la hausse des taux pèsent sur les ménages, tandis que les services publics réclament des investissements. Le gouvernement murcien annonce de nouvelles déductions ciblées et promet de maintenir un environnement fiscal pro familles et pro entreprises. Dans le même temps, il intensifie sa défense du transfert Tajo Segura, devenu symbole et étendard. Le chef de l’exécutif multiplie les initiatives auprès des institutions européennes et nationales pour contester les hausses de réserves en tête de bassin. Il met en scène l’argument d’une agriculture irriguée compétitive, créatrice d’emplois et exportatrice, présentée comme un bien stratégique du Levant.
Homme de parti, Fernando López Miras a consolidé sa position interne. En mars 2018, il est élu président du Parti populaire de la région avec un soutien massif, puis il est reconduit en 2022 avec un score encore plus élevé. Cette légitimation l’inscrit dans la durée. À l’échelle nationale, il se tient sur la ligne de la direction du Parti populaire, successivement conduite par Mariano Rajoy, Pablo Casado puis Alberto Núñez Feijóo. La relation avec Vox est l’objet de prudences et de fermetés alternées, selon les dossiers, les votes et les calendriers. Dans ce jeu, sa fonction consiste à garantir une stabilité suffisante pour faire passer les budgets, défendre l’eau et maintenir une signature fiscale.
Son style personnel reste celui d’un juriste devenu gestionnaire public. Peu porté aux grands gestes, il privilégie l’énoncé de mesures et l’architecture des dispositifs. Il s’attache aux territoires concrets de sa région, à commencer par Lorca, et revendique une identité civique construite dans les collèges, les universités et les administrations locales. Les proches le décrivent comme un travailleur patient, attentif aux comités techniques et aux briefings. Les opposants pointent l’ombre des épisodes controversés et la tentation d’une gouvernance trop verticale. Pour les uns, la continuité est une garantie de prévisibilité ; pour les autres, elle devient un refus de transformer les modèles productifs, en particulier ceux qui pèsent sur la lagune.
Dans le temps long des autonomies espagnoles, sa trajectoire raconte une manière d’exercer le pouvoir à l’échelle d’une région de taille moyenne. Elle illustre l’emprise des deux grandes questions murciennes. L’eau, ressource disputée, structure les alliances et les recours, met face à face communautés, ministères, irrigants, villes du littoral et riverains de la lagune. La fiscalité, instrument d’attractivité et de redistribution, rythme les annonces et sert de marqueur idéologique. Entre ces deux pôles se tiennent les politiques sociales, la santé, l’éducation et l’aménagement, autant de terrains où s’évalue la capacité d’un exécutif à durer sans se figer.
La biographie de Fernando López Miras est aussi, plus discrètement, une sociologie du pouvoir local. La montée par les cabinets, par les secrétariats généraux, par les directions d’hôpital, forge cette génération de responsables qui connaissent les normes, les contrats, les financements européens et la grammaire des décrets. De ce point de vue, sa carrière apparaît moins comme une rupture que comme une continuité méthodique. Elle tient aux alliances possibles à un moment donné, à l’art d’additionner, à la discipline d’un parti qui préfère les gestionnaires aux tribuns, et à la patience requise pour stabiliser des coalitions.
Au fil des mandats, l’international se rappelle à Murcie par l’Europe de l’eau, par les crises sanitaires ou énergétiques, et par les marchés agricoles. Le président régional s’inscrit dans ces horizons en défendant la compétitivité des exportations et en demandant à l’État des garanties de financement et de sécurité juridique. Il sait que la région joue sa place sur des biens tangibles, depuis la disponibilité de l’eau jusqu’aux connexions ferroviaires, et sur des promesses sociales, de la santé à l’éducation. Cette lucidité explique sa focalisation sur quelques dossiers totems qui symbolisent, pour ses électeurs, la vie quotidienne des familles et des entreprises.
Reste la part personnelle, qu’il expose peu. L’on retient des engagements associatifs, des fidélités à des clubs et à des causes locales, un souci des cérémonies civiles et religieuses qui rythment la vie murcienne. La réserve n’empêche pas le récit d’appartenance : être de Lorca, présider à Murcie, parcourir la carte régionale pour valider un projet, inaugurer un lycée, dialoguer avec des entrepreneurs, monter à Madrid pour défendre un dossier. Cette routine constitue une politique du quotidien, où le terrain et les réseaux comptent autant que les hémicycles. Elle entretient l’image d’un président de proximité, attentif aux signaux faibles et aux acteurs intermédiaires.
Aujourd’hui, à la tête d’un gouvernement de coalition, il conduit une région traversée par des demandes parfois contradictoires. Il cherche à maintenir la main sur la fiscalité tout en garantissant l’investissement public, plaide pour une gouvernance de l’eau stable et prévisible, et tente d’arrimer le destin du Mar Menor à des pratiques et à des contrôles crédibles. Sa force réside dans la connaissance des rouages ; sa faiblesse, disent ses adversaires, dans une difficulté à rompre les routines et à imposer des transitions plus rapides. Sa méthode reste celle de l’accumulation patiente d’accords, de normes et de budgets, dans l’espoir que la durée, plus que le coup d’éclat, transforme les trajectoires provinciales.
Ainsi va la carrière d’un président installé dans la durée, dont les mandats successifs composent une chronique des équilibres espagnols des années 2010 et 2020. L’homme que l’Assemblée réélit en septembre 2023 n’est plus seulement le plus jeune président de 2017 ; c’est un praticien aguerri de l’art provincial de gouverner. À travers lui se lisent les tensions entre écologie et productivisme, entre discipline budgétaire et protection sociale, entre la demande de sécurité et les cycles d’indignation. La biographie de Fernando López Miras est alors celle d’un chef d’exécutif autonome qui parie sur la clarté des règles et la durée des politiques pour tenir ensemble une région à la fois fragile et ambitieuse.