ARABIE SAOUDITE - ANNIVERSAIRE

Mohammed bin Salman, l’ombre et la couronne du désert

Mohammed bin Salman, prince héritier et dirigeant de l’Arabie saoudite, est né le 31 août 1985 à Djeddah, dans une famille au cœur du pouvoir saoudien. Il célèbre aujourd'hui ses 40 ans.

Dès ses premières années, il reçut une formation mêlant traditions islamiques, études modernes et culture politique. Contrairement à certains de ses frères qui privilégiaient une vie discrète, Mohammed bin Salman montra très tôt une volonté d’ascension et une énergie tournée vers l’influence et la conquête du pouvoir. Il étudia le droit à l’université du roi Saoud à Riyad, ce qui lui donna les outils pour comprendre les structures administratives et juridiques du royaume, mais son apprentissage véritable se fit auprès de son père, alors gouverneur de Riyad, où il observa les mécanismes du pouvoir tribal et monarchique.

Son mariage avec la princesse Sarah bint Mashour renforça ses liens avec d’autres branches influentes de la famille royale, consolidant un réseau qui allait s’avérer essentiel dans sa trajectoire. Père de plusieurs enfants, Mohammed bin Salman utilisa sa vie familiale comme une vitrine de continuité dynastique, tout en façonnant une image publique plus moderne que celle de ses prédécesseurs.

À partir des années 2010, alors que la santé de son père déclinait et que la scène politique saoudienne s’ouvrait à une redistribution du pouvoir, Mohammed bin Salman émergea rapidement. La mort du roi Abdallah en 2015 et l’accession de son père au trône furent pour lui un tournant décisif. Nommé ministre de la Défense, il se plaça au centre de la stratégie régionale, lançant l’intervention militaire au Yémen contre les Houthis. Cette décision, censée être rapide et victorieuse, s’enlisa dans une guerre coûteuse, symbolisant à la fois son audace et son manque d’expérience stratégique.

En parallèle, il développa une vision économique et politique ambitieuse, baptisée « Vision 2030 ». Son objectif était de réduire la dépendance du royaume au pétrole, d’attirer des investissements étrangers et de transformer l’Arabie saoudite en un hub technologique et touristique. Il promut de grands projets futuristes comme la mégapole NEOM, symbole d’un avenir voulu moderne et détaché des carcans traditionnels. Cette modernisation s’accompagna d’une série de réformes sociales marquantes : l’autorisation pour les femmes de conduire, l’assouplissement de certaines règles du système de tutelle, l’ouverture de cinémas et de concerts. Ces gestes, très médiatisés, firent de lui une figure mondiale d’un réformateur audacieux.

Mais derrière l’image d’un modernisateur se dessina un dirigeant autoritaire, concentrant tous les leviers du pouvoir. L’épisode le plus marquant fut l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018 au consulat saoudien d’Istanbul, crime qui ternit profondément son image à l’international. Malgré les accusations directes de son implication, il conserva son pouvoir, protégé par les enjeux géopolitiques et les liens stratégiques avec les grandes puissances, notamment les États-Unis.

Mohammed bin Salman s’imposa aussi par une politique de centralisation brutale. Il lança en 2017 une vaste opération anticorruption qui vit des dizaines de princes, hommes d’affaires et responsables enfermés au Ritz-Carlton de Riyad, contraints à céder des fortunes pour obtenir leur libération. Cette opération, présentée comme une lutte contre les abus, fut perçue comme une purge consolidant son autorité.

Son autoritarisme s’étendit à tous les domaines : contrôle des médias, surveillance numérique, répression des dissidents et marginalisation des contre-pouvoirs traditionnels. Pourtant, il réussit à maintenir une popularité réelle auprès d’une partie de la jeunesse saoudienne, séduite par ses réformes sociétales et ses promesses de modernité. La génération connectée le percevait comme celui qui rompait avec l’immobilisme des anciens princes.

Sur le plan international, Mohammed bin Salman déploya une diplomatie offensive. Il chercha à repositionner l’Arabie saoudite comme une puissance incontournable au Moyen-Orient. Après des années de tension, il engagea un rapprochement avec l’Iran, sous l’égide de la Chine, marquant une réorientation diplomatique majeure. Il consolida aussi les liens avec la Russie dans le cadre de l’OPEP+, équilibrant ses relations entre Washington, Pékin et Moscou. Sa capacité à manœuvrer entre grandes puissances traduisait une volonté d’autonomie stratégique.

À l’approche de 2025, Mohammed bin Salman n’était plus seulement le prince héritier mais l’homme fort incontesté du royaume. Bien que son père, le roi Salmane, soit toujours vivant, il assumait de facto toutes les responsabilités. Le royaume continuait sa transformation : mégaprojets en cours, réformes sociales graduelles mais sélectives, répression persistante contre les voix critiques. Il se posait en dirigeant prêt à gouverner encore plusieurs décennies, avec l’ambition de remodeler l’Arabie saoudite et de laisser son empreinte sur le Moyen-Orient.

La trajectoire de Mohammed bin Salman illustre la complexité d’un homme à la fois réformateur et autocrate, symbole d’un pays tiraillé entre tradition et modernité. Né en 1985, il incarne la nouvelle génération du pouvoir saoudien, mais il reste prisonnier de la logique de centralisation et de répression qui caractérise la monarchie depuis sa fondation. Au 31 août 2025, il s’affirme comme l’un des dirigeants les plus influents et controversés du monde contemporain, capable d’imposer ses choix à l’intérieur tout en tenant tête aux grandes puissances, mais toujours marqué par les zones d’ombre de son autorité sans partage.